Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/612

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce placet fut remis au tribunal des rits pour déterminer ce qu’il y avait à faire. La sentence de ce tribunal, fut de conserver à la cour les Européens qui y sont, et d’y conduire ceux des provinces qui peuvent y être utiles ; mais pour les autres, de les conduire à Macao, de changer les temples en maisons publiques, et d’interdire rigoureusement leur religion.

Cette délibération du tribunal fut confirmée par l’empereur, qui y ajouta seulement, que les vicerois des provinces leur donneraient un mandarin, pour les conduire à la cour ou à Macao, et pour les garantir de toute insulte.

Les missionnaires se donnèrent bien des mouvements auprès de leurs amis, et surtout auprès du treizième frère de l’empereur qui les protégeait, mais inutilement ; toute la grâce qu’on leur accorda, c’est qu’au lieu d’être renvoyés à Macao ils seraient conduits à Canton, encore ne leur permettait-on d’y demeurer, qu’au cas qu’ils ne donnassent aucun sujet de plainte.

En vertu de l’édit solennel de l’empereur, qui fut répandu dans tout l’empire, les missionnaires furent chassés de leurs églises, et tolérés seulement à Peking, ou à Canton ; plus de trois cents églises furent détruites, ou converties en usages profanes, et plus de trois cent mille chrétiens destitués de leurs pasteurs, se virent livrés à la rage des infidèles. On s’est servi, et on se sert encore, de tous les moyens qu’un zèle prudent et éclairé inspire, pour ranimer le plus souvent qu’il est possible la foi de toutes ces chrétientés, et pour les entretenir dans la ferveur.

A peine cet édit fut-il porté, que l’empereur fît sentir tout le poids de sa colère et de son indignation, à une illustre et nombreuse famille, qui avait embrassé la foi. Le chef de cette famille est un prince du sang, lequel descend du frère aîné de celui qui a fondé la dynastie régnante. Sans avoir égard ni à son rang, ni à sa vieillesse, ni aux services importants qu’il avait rendu à l’État, il l’exila en Tartarie, lui et ses enfants, qui sont au nombre de onze princes, et de seize princesses mariées à des princes mongols, ou à des mandarins de Peking.

Tous ces princes princesses qui avaient aussi chacun une nombreuse famille, ont été dégradez de leur rang, et ils n’ont eu d’autre demeure, qu’un lieu désert de la Tartarie, où ils sont étroitement resserrés et gardés à vue par des soldats. On vit partir ce vénérable vieillard pour se rendre au lieu de son exil, avec ses enfants, ses petits-fils au nombre de trente-sept, sans compter les princesses femmes ou filles qui égalaient presque ce nombre, et environ trois cents domestiques de l’un et de l’autre sexe, dont la plus grande partie avait reçu le baptême.

Toutes ces disgrâces n’ayant point été capables de les faire chanceler