Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/107

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et ce qui remplit les rues, les rivières, les grands chemins d’un peuple infini, qui va et qui vient, et qui est toujours en action.

Quoique généralement parlant, ils ne soient pas aussi fourbes et aussi trompeurs que le père le Comte les dépeint, il est néanmoins vrai que la bonne foi n’est pas leur vertu favorite, surtout lorsqu’ils ont à traiter avec les étrangers : ils ne manquent guère de les tromper s’ils le peuvent, et ils s’en font un mérite : il y en a même qui étant surpris en faute, sont assez impudents pour s’excuser sur leur peu d’habileté. « Je ne suis qu’une bête, comme vous voyez, disent-ils, vous êtes beaucoup plus habile que moi, une autre fois je ne me jouerai pas à un Européen. » Et en effet, on dit que quelques Européens n’ont pas laissé de leur en apprendre.

Rien n’est plus risible que ce qui arriva au capitaine d’un vaisseau anglais : il avait fait marché avec un négociant chinois de Canton, d’un grand nombre de balles de soie qu’il devait lui fournir ; quand elles furent prêtes, le capitaine va avec son interprète chez le Chinois, pour examiner par lui-même, si cette soie était bien conditionnée. On ouvre le premier ballot, et il la trouva telle qu’il la souhaitait ; mais ses ballots suivants qu’il fit ouvrir, ne contenaient que des soies pourries : sur quoi le capitaine s’échauffa fort, et reprocha au Chinois dans les termes les plus durs, sa méchanceté et sa friponnerie : le Chinois l’écouta de sang-froid, et pour toute réponse : « Prenez vous-en, monsieur, lui dit-il, à votre fripon d’interprète, il m’avait protesté que vous ne feriez pas la visite des ballots. »

Cette adresse à tromper, se remarque principalement parmi les gens du peuple, qui ont recours à mille ruses, pour falsifier tout ce qu’ils vendent : il y en a qui ont le secret d’ouvrir l’estomac d’un chapon, et d’en tirer toute la chair, de remplir ensuite le vide, et de fermer l’ouverture si adroitement, qu’on ne s’en aperçoit que dans le temps que l’on veut le manger.

D’autres contrefont si bien les vrais jambons, en couvrant une pièce de bois d’une terre qui tient lieu de la chair, et d’une peau de cochon, que ce n’est qu’après l’avoir servi et ouvert avec le couteau, qu’on découvre la supercherie. Il faut avouer néanmoins qu’ils n’usent guère de ces sortes de ruses qu’avec les étrangers ; et dans les autres endroits, les Chinois ont peine à les croire.

Les voleurs n’usent presque jamais de violence, ce n’est que par subtilité et par adresse qu’ils cherchent à dérober ; il s’en trouve qui suivent les barques, et se coulent parmi ceux qui les tirent sur le canal impérial, dans la province de Chan tong, ou l’on en change tous les jours ; ce qui fait qu’ils sont moins connus ; ils se glissent alors dans les barques pendant la nuit ; et on dit même que par le moyen de la fumée d’une certaine drogue qu’ils brûlent, ils endorment tellement tout le monde, qu’ils ont toute liberté de fouiller de tous côtés, et d’emporter ce qu’ils veulent, sans qu’on s’en aperçoive. Il y a de ces voleurs qui suivent quelquefois un marchand deux ou trois jours, jusqu’à ce qu’il ait trouvé le moment favorable de faire son coup.