Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reprises ses bottes, pour lui en donner de nouvelles. Toutes ces bottes qui ont touché au mandarin, sont révérées par les amis, et ils les conservent précieusement dans leurs maisons. Les premières qu’on lui a tirées, se mettent par reconnaissance dans une espèce de cage, au-dessus de la porte de la ville, par laquelle il est sorti.

De même, quand les Chinois veulent honorer le gouverneur de leur ville le jour de sa naissance, les plus distingués de la ville s’assemblent, et vont en corps le saluer dans son palais. Outre les présents ordinaires, dont ils accompagnent la visite, ils portent souvent avec eux une longue boîte de vernis, ornée de fleurs d’or, et divisée dans le fond par huit ou douze petits compartiments, qu’on a remplis de diverses sortes de confitures.

Dès qu’ils sont arrivés dans la salle où doit se faire la cérémonie, ils se rangent tous sur une même ligne, ils s’inclinent profondément, ils se mettent à genoux, et courbent la tête jusqu’à terre, à moins que le gouverneur ne les relève, ce qu’il fait ordinairement. Souvent le plus considérable d’entre eux prend du vin dans une coupe, l’élève en l’air avec les deux mains, l’offre à ce mandarin, et dit tout haut, par forme de souhait : Fo tsiou, voilà le vin qui porte bonheur. Cheou tsiou, voilà le vin qui donne une longue vie ; un moment après un autre s’avance, et élevant en l’air des confitures qu’il présente avec respect, voilà, dit-il, du sucre de longue vie ; d’autres répètent jusqu’à trois fois ces mêmes cérémonies, et font toujours les mêmes souhaits.


Habillement singulier à cette occasion.

Mais quand c’est un mandarin qui s’est extraordinairement distingué par son équité, par son zèle, et par sa bonté pour le peuple, et qu’ils veulent lui témoigner avec éclat leur reconnaissance, ils ont un autre moyen assez particulier de lui faire connaître l’estime que tout le peuple fait de son heureux gouvernement. Les lettrés font faire un habit composé de petits carreaux de satin, de diverses couleurs, rouges, bleues, vertes, noires, jaunes, etc. et le jour de la naissance ils le portent tous ensemble en grande cérémonie, avec des instruments de musique ; quand ils sont arrivés dans la salle extérieure qui lui sert de tribunal, ils le font prier de sortir de la salle intérieure, pour passer dans cette salle publique : alors ils lui présentent cet habit, et ils le prient de s’en vêtir. Le mandarin ne manque pas de faire quelque difficulté, en se disant indigne d’un tel honneur : enfin il se rend aux instances des lettrés, et de tout le peuple, qui a accouru, et qui remplit la cour : on le dépouille de son habit extérieur, et on le revêt de l’habit qu’ils ont apporté.

Ils prétendent par ces diverses couleurs représenter toutes les nations qui ont des habits différents, et déclarer que tous les peuples le regardent comme leur père, et qu’il mérite de les gouverner : c’est pourquoi ces habits s’appellent Ouan gin, c’est-à-dire, habits de toutes les nations. A la vérité le mandarin ne s’en sert que dans ce moment là, mais on le conserve précieusement dans sa famille, comme un titre d’honneur et de distinction ; on ne manque pas d’en instruire le viceroi, et souvent cela passe jusqu’aux Cours souveraines. Le père Contancin se trouva une fois à cette cérémonie,