Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/196

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les bouchers, les marchands de riz et d’herbes, etc. d’entrer dans les prisons pour le service et la commodité de ceux qui y sont détenus. Il y a même des cuisiniers qui apprêtent à manger, et tout s’y fait avec un grand ordre par la vigilance des officiers. La prison des femmes est séparée de celle des hommes ; on ne leur peut parler que par une grille, ou par le tour qui sert à leur fournir leurs besoins ; mais il est très rare qu’aucun homme en approche.

Il y a encore quelques endroits, où, lorsqu’un prisonnier vient à mourir, on ne permet pas de faire passer son cadavre par la porte ordinaire de la prison, mais par une ouverture qu’on a soin de pratiquer au mur de la première cour, et qui ne sert qu’au passage des morts.

Les personnes d’un certain rang, qui se trouvent dans la prison en danger de mort, demandent en grâce d’en sortir avant qu’elles expirent, pour que leurs corps ne passent pas par cette ouverture, ce qu’elles regardent comme une tâche infamante ; aussi la plus affreuse imprécation qu’un Chinois puisse faire contre celui à qui il souhaite du mal, c’est de lui dire : Puisses-tu être traîné par le trou de la prison.

Il n’y a point de fautes impunies à la Chine ; tout est déterminé ; la bastonnade est le châtiment ordinaire pour les fautes les plus légères. Le nombre des coups est plus ou moins grand, selon la qualité de la faute ; c’est la peine dont les officiers de guerre punissent quelquefois sur-le-champ les soldats chinois, mis en sentinelle toutes les nuits dans les rues et les places publiques des grandes villes quand on les trouve endormis.


De la punition. Particulièrement de la bastonnade.

Quand le nombre des coups ne passe pas vingt, c’est une correction paternelle, qui n’a rien d’infamant, et l’empereur la fait quelquefois donner à des personnes de grande considération, et ensuite les voit, et les traite comme à l’ordinaire.

Il faut très peu de chose pour être ainsi paternellement châtié : avoir volé une bagatelle, s’être emporté de paroles, avoir donné quelques coups de poing : si cela va jusqu’au mandarin, il fait jouer aussitôt le pan tsëe ; c’est ainsi que s’appelle l’instrument dont on bat les coupables. Après avoir subi le châtiment, ils doivent se mettre à genoux devant le juge, se courber trois fois jusqu’à terre, et le remercier du soin qu’il prend de leur éducation.

Ce pan tsëe est une grosse canne fendue, à demi plate, de quelques pieds de longueur ; elle a par le bas la largeur de la main, et par le haut elle est polie et déliée, afin qu’elle soit plus aisée à empoigner ; elle est de bambou, qui est un bois dur, massif, et pesant.

Lorsque le mandarin tient son audience, il est assis gravement devant une table, sur laquelle est un étui rempli de petits bâtons longs de plus d’un demi pied et larges de deux doigts ; plusieurs estafiers armés de pan tsëe l’environnent ; au signe qu’il donne en tirant et jetant ces bâtons, on saisit le coupable, on l’étend ventre contre terre, on lui abaisse le haut de chausses jusqu’aux talons et autant de petits bâtons que le mandarin tire de son étui, et qu’il a jeté par terre, autant d’estafiers se succèdent,