Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/202

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entre les mains de Sa Majesté, qui les donna encore à examiner aux plus habiles officiers, soit tartares, soit chinois, qui étaient à Peking.

Lorsque le crime est fort énorme, l’empereur en souscrivant à la mort du criminel, ajoute : Aussitôt qu’on aura reçu cet ordre, qu’on l’exécute sans aucun délai. Pour ce qui est des crimes de mort qui n’ont rien d’extraordinaire, l’empereur écrit au bas de la sentence : Qu’on retienne le criminel en prison, et qu’on l’exécute au temps de l’automne. Il y a un jour fixé dans l’automne, pour exécuter à mort tous les criminels.


De la question des criminels.

La question ordinaire qui est en usage à la Chine, pour tirer la vérité de la bouche des criminels, est douloureuse et très sensible : elle se donne aux pieds ou aux mains : on se sert pour les pieds d’un instrument qui consiste en trois bois croisés, dont celui du milieu est fixe, et les deux autres se tournent et se remuent : on met les pieds du patient dans cette machine, et on les y serre avec tant de violence, que la cheville du pied s’aplatit. Quand on la donne aux mains, c’est par le moyen de petits bois, qu’on insère entre les doigts du coupable, on les lie très étroitement avec des cordes, et on les laisse pendant quelque temps dans cette torture.

Les Chinois ont des remèdes pour diminuer, et même pour amortir le sentiment de la douleur : après la question ils en ont d’autres, qu’ils emploient pour guérir le patient, lequel en effet par leur moyen recouvre, quelquefois même en peu de jours, le premier usage de ses jambes.

De la question ordinaire on passe à l’extraordinaire, qui se donne pour les grands crimes, et surtout pour ceux de lèse-majesté, afin de découvrir les complices, quand le crime est avéré. Elle consiste à faire de légères taillades sur le corps du criminel, et à lui enlever la peau par bandes en forme d’aiguillettes.

Voilà toutes les espèces de châtiments, que les lois chinoises prescrivent pour la punition des crimes. Il y a, comme je l’ai dit, quelques empereurs qui en ont fait souffrir de beaucoup plus cruels ; mais ils sont détestés de la nation, et regardés comme des tyrans. Tel fut l’empereur Tcheou, dont on lit les horribles cruautés dans les annales de l’empire.

Ce prince, à l’instigation de Ta kia l’une de ses concubines, dont il était éperdument amoureux, inventa un nouveau genre de supplice nommé pao lo : c’était une colonne de bronze haute de vingt coudées et large de huit, creusée en dedans comme le taureau de Phalaris, et ouverte en trois endroits pour y mettre du feu : on y attachait les criminels, et on la leur faisait embrasser des bras et des jambes : ensuite on allumait un grand feu en dedans, et on les faisait ainsi rôtir jusqu’à ce qu’ils fussent réduits en cendre en présence de cette femme impudique, qui se faisait un spectacle agréable d’un si épouvantable supplice.