Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/24

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ainsi qu’on nomme de grands salons isolés où l’empereur habite, qui sont portés sur des massifs de marbre blanc.)

Ce cong était composé d’une salle où il y avait un trône, et d’une chambre où il était assis sur un can ou estrade élevé de trois pieds, qui prenait toute la longueur de la chambre. Le can était couvert d’un simple feutre blanc : peut-être affectait-il cette simplicité, parce qu’il portait le deuil de son aïeule : son vêtement était simplement de satin noir doublé de fourrures de zibeline, tel que le portent la plupart des officiers un peu considérables : il était assis à la tartare les jambes croisées. Il fallut faire le salut impérial tel qu’il se pratique, lorsqu’on a audience de ce prince.

Aussitôt qu’on est à la porte, on se met à courir avec grâce jusqu’à ce qu’on soit arrivé au fond de la chambre, qui est vis-à-vis de l’empereur. Pour lors étant de front sur une même ligne, on demeure un moment debout, tenant les bras étendus sur les côtés : ensuite ayant fléchi les genoux, on se courbe jusqu’à terre à trois différentes reprises. Après quoi on se relève, et un moment après on fait une seconde fois les mêmes cérémonies, puis encore une troisième, jusqu’à ce qu’on avertisse d’avancer, et de se tenir à genoux aux pieds de l’empereur.


Manière de dater les actes publics.

La couleur jaune est la couleur impériale qui est interdite à tout autre qu’à lui ; sa veste est parsemée de dragons ; c’est là sa devise, et il n’y a que lui qui les puisse porter à cinq ongles ; si quelqu’un s’avisait sans sa permission de s’attribuer cette marque de dignité impériale, il se rendrait coupable, et s’exposerait au châtiment. Il date ses lettres, ses édits, et tous les actes publics, des années de son règne et du jour de la lune ; par exemple : De mon règne le 16, le 6 de la quatrième lune.

Les sentiments de la plus profonde vénération à l’égard de l’empereur, dans lesquels on élève les Chinois dès leur enfance, sont bien fortifiés par le pouvoir absolu et sans bornes que les lois lui donnent. Lui seul est l’arbitre souverain de la vie et de la fortune de ses sujets : ni les vicerois, ni les tribunaux, ni aucune cour souveraine, ne peuvent faire exécuter à mort un criminel, si la sentence qui le condamne, n’a été confirmée par l’empereur.


Des princes du sang.

Les princes du sang impérial, quelque élevés qu’ils soient au-dessus des autres, n’ont ni puissance ni crédit. On leur donne le titre de Regulo, on leur assigne un palais, une cour, des officiers avec des revenus conformes à leur rang ; mais ils n’ont pas la moindre autorité sur le peuple, qui cependant conserve pour eux le plus grand respect. Autrefois lorsqu’ils étaient dispersés dans les provinces, les officiers de la couronne leur envoyaient leurs revenus tous les trois mois, afin que le dépensant à mesure qu’ils le recevaient, ils n’eussent pas la pensée d’amasser, ni de faire des épargnes, dont ils auraient pu se servir pour remuer et semer la division. Il leur était même défendu sous peine de la vie de sortir du lieu qu’on avait fixé pour leur séjour. Mais depuis que les Tartares sont maîtres de la Chine, les choses ont changé. L’empereur a cru qu’il était à plus propos que tous les princes demeurassent à