Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/247

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d’un vireveau, quand ils étaient relâchés, tenaient la place des gonds qui attachent les nôtres à l’étambot. Il y avait une barre de sept à huit pieds de long sans manivelle et sans poulie, pour augmenter la force du timonier. Quatre manœuvres attachées deux à chaque bord du vaisseau, et dont une de chaque côté faisait quelques tours sur le bout de la barre, servaient au timonier à le tenir en état.

Un gouvernail de cette manière ne se peut faire sentir que faiblement à un vaisseau, non seulement parce que les câbles, par le moyen desquels il lui communique son mouvement, prêtent beaucoup, et s’allongent aisément, mais principalement à cause des élans continuels qu’ils lui donnent par le trémoussement où il est sans cesse ; d’où naît un autre inconvénient, qui est qu’on a toutes les peines du monde à tenir constamment le même rhumb dans cette agitation continuelle. On a commencé à faire des sommes, que les Portugais nomment mestisas, ou mestisses, parce que, sans rien changer à la construction chinoise, on leur donne le gouvernail à l’européenne. Le roi de Siam en avait fait faire de cette sorte, qui étaient du port de sept à huit cents tonneaux. C’est sans comparaison les plus grandes qu’on voie.


De la boussole.

Le pilote ne se servait point de compas de marine. Il réglait sa route avec de simples boussoles dont le limbe extérieur de la boîte était partagé en parties égales, qui marquaient les rhumbs de vent ; elles étaient placées sur une couche de sable, qui servait bien moins à les asseoir mollement, et à les garantir des secousses du vaisseau, dont l’agitation ne laissait pas de faire perdre à tout moment l’équilibre aux aiguilles, qu’à porter les bâtons de pastilles dont on les parfumait sans cesse. Ce n’était pas le seul régal que la superstition chinoise faisait à ces boussoles, qu’ils regardaient comme les guides assurés de leur voyage ; ils en venaient jusqu’à ce point d’aveuglement, que de leur offrir des viandes en sacrifice.

Le pilote avait grand soin surtout de bien garnir son habitacle de clous : ce qui fait connaître combien cette nation est peu entendue en fait de marine. Les Chinois, dit-on, ont été les premiers inventeurs de la boussole ; mais si cela est, comme on l’assure, il faut qu’ils aient bien peu profité de leur invention. Ils mettaient le cap au rhumb où ils voulaient porter, par le moyen d’un filet de soie, qui coupait la surface extérieure de la boussole en deux parties égales du nord au sud ; ce qu’ils pratiquaient en deux manières différentes : par exemple, pour porter au nord-est, ils mettaient ce rhumb parallèle à la quille du vaisseau, et détournaient ensuite le vaisseau jusqu’à ce que l’aiguille fût parallèle au filet. Ou bien, ce qui revient au même, mettant le filet parallèle à la quille, ils faisaient porter l’aiguille sur le nord-ouest. L’aiguille de la plus grande de ces boussoles n’avait pas plus de trois pouces de longueur. Elles avaient toutes été faites à Nangazaqui : un bout était terminé par une espèce de fleur de lys, et l’autre par un trident.


Le fond de cale.

Le fond de cale était partagé en cinq ou six grandes soutes séparées les