Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/293

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Ce travail est extrêmement délicat, et demande une adresse que les Chinois apparemment n’ont plus. Ils tâchent néanmoins de temps en temps de retrouver l’art de cette peinture magique, mais c’est en vain. L’un d’eux m’a assuré depuis peu qu’il avait fait une nouvelle tentative et qu’elle lui avait presque réussi.

Quoiqu’il en soit, on peut dire qu’encore aujourd’hui, le bel azur renaît sur la porcelaine, après en avoir disparu. Quand on l’a appliqué, sa couleur est d’un noir pâle : lorsqu’il est sec, et qu’on lui a donné l’huile, il s’éclipse tout à fait, de la porcelaine paraît toute blanche : les couleurs sont alors ensevelies sous le vernis : le feu les en fait éclore avec toutes leurs beautés, de même à peu près que la chaleur naturelle fait sortir de la coque les plus beaux papillons, avec toutes leurs nuances.

Au reste, il y a beaucoup d’art dans la manière dont l’huile se donne à la porcelaine, soit pour n’en pas mettre plus qu’il ne faut, soit pour la répandre également de tous côtés. A la porcelaine qui est fort mince et fort déliée, on donne à deux fois deux couches légères d’huile : si ces couches étaient trop épaisses, les faibles parois de la tasse ne pourraient les porter, et ils plieraient sur-le-champ. Ces deux couches valent autant qu’une couche ordinaire d’huile, telle qu’on la donne à la porcelaine fine qui est plus robuste. Elles se mettent, une par aspersion, et l’autre par immersion. D’abord on prend d’une main la tasse par le dehors, et la tenant de biais sur l’urne où est le vernis, de l’autre main on jette dedans autant qu’il faut de vernis, pour l’arroser partout. Cela se fait de suite à un grand nombre de tasses : les premières se trouvant sèches en dedans, on leur donne l’huile dehors de la manière suivante : on tient une main dans la tasse, et la soutenant avec un petit bâton sous le milieu de son pied, on la plonge dans le vase plein de vernis, d’où on la retire aussitôt.

J’ai dit plus haut que le pied de la porcelaine demeurait massif ; en effet ce n’est qu’après qu’elle a reçu l’huile, et qu’elle est sèche, qu’on la met sur le tour pour creuser le pied, après quoi on y peint un petit cercle, et souvent une lettre chinoise. Quand cette peinture est sèche, on vernisse le creux qu’on vient de faire sous la tasse, et c’est la dernière main qu’on lui donne ; car aussitôt après elle se porte du laboratoire au fourneau pour y être cuite.

J’ai été surpris de voir qu’un homme tienne en équilibre sur ses épaules, deux planches longues et étroites, sur lesquelles sont rangées les porcelaines, et qu’il passe ainsi par plusieurs rues fort peuplées, sans briser sa marchandise. A la vérité on évite avec soin de les heurter tant soit peu, car on serait obligé de réparer le tort qu’on lui aurait fait : mais il est étonnant que le porteur lui-même règle si bien ses pas, et tous les mouvements de son corps, qu’il ne perde rien de son équilibre.


Préparatifs pour la cuisson.

L’endroit où sont les fourneaux, présente une autre scène. Dans une espèce de vestibule qui précède le fourneau, on voit des tas de caisses et d’étuis faits de terre, et destinés à renfermer la porcelaine. Chaque pièce de porcelaine, pour peu qu’elle soit considérable, a son étui, les porcelaines