Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/298

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ce que les vivres sont maintenant bien plus chers ; de ce que le bois ne se tirant plus des montagnes voisines qu’on a épuisées, on est obligé de le faire venir de fort loin, et à grands frais ; de ce que le gain est partagé maintenant entre trop de personnes ; et qu’enfin les ouvriers sont moins habiles qu’ils ne l’étaient dans ces temps reculés, et que par là ils sont moins sûrs de réussir. Cela peut venir encore de l’avarice des mandarins qui occupant beaucoup d’ouvriers à ces sortes d’ouvrages, dont ils font des présents à leurs protecteurs de la cour, paient mal les ouvriers ; ce qui cause le renchérissement des marchandises, et la pauvreté des marchands.

J’ai dit que la difficulté qu’il y a d’exécuter certains modèles venus d’Europe, est une des choses qui augmente le prix de la porcelaine ; car il ne faut pas croire que les ouvriers puissent travailler sur tous les modèles qui leur viennent des pays étrangers. Il y en a d’impraticables à la Chine, de même qu’il s’y fait des ouvrages, qui surprennent les étrangers, et qu’ils ne croient pas possibles.


Des divers ouvrages de porcelaine.

En voici quelques exemples. J’ai vu ici un fanal, ou une grosse lanterne de porcelaine, qui était d’une seule pièce, au travers de laquelle un flambeau éclairait toute une chambre : cet ouvrage fut commandé il y a sept ou huit ans par le prince héritier. Ce même prince commanda aussi divers instruments de musique, entre autres une espèce de petite orgue, appelée tseng, qui a près d’un pied de hauteur, et qui est composée de quatorze tuyaux, dont l’harmonie est assez agréable : mais ce fut inutilement qu’on y travailla.

On réussit mieux aux flûtes douces, aux flageolets, et à un autre instrument qu’on nommé yun lo, qui est composé de diverses petites plaques rondes un peu concaves, dont chacune rend un son particulier : on en suspend neuf dans un cadre à divers étages, qu’on touche avec des baguettes comme le tympanon ; il se fait un petit carillon qui s’accorde avec le son des autres instruments, et avec la voix des musiciens. Il a fallu, dit-on, faire beaucoup d’épreuves, afin de trouver l’épaisseur et le degré de cuisson convenables, pour avoir tous les tons nécessaires à un accord.

Je m’imaginais qu’on avait le secret d’insérer un peu de métal dans le corps de ces porcelaines, pour varier les sons : mais on m’a détrompé, le métal est si peu capable de s’allier avec la porcelaine, que si l’on mettait un denier de cuivre au haut d’une pile de porcelaine placée dans le four, ce denier venant à se fondre, percerait toutes les caisses de toutes les porcelaines de la colonne, qui se trouveraient toutes avoir un trou au milieu. Rien ne fait mieux voir quel mouvement le feu donne à tout ce qui est renfermé dans le fourneau : aussi assure-t-on que tout y est comme fluide et flottant.

J’ai vu cependant exécuter des desseins d’ouvrages qu’on assurait être impraticables : c’étaient des urnes hautes de trois pieds et davantage, sans le couvercle qui s’élevait en pyramide à la hauteur d’un pied. Ces urnes étaient de trois pièces rapportées, mais réunies ensemble avec tant d’art et de propreté, qu’elles ne faisaient qu’un seul corps, sans qu’on pût découvrir