Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/313

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Les ouvriers chinois donnent le lustre au tcheou tse ou taffetas, avec de la graine de marsouin de rivière, qu’ils nomment kiang tchu, c’est-à-dire, cochon du fleuve Yang tse kiang. Car on voit dans ce grand fleuve, à plus de 60 lieues de la mer, des marsouins, moins gros à la vérité que ceux de l’océan, mais qui dans l’eau douce vont par troupes et à la file, et qui font les mêmes sauts et les mêmes évolutions qu’en pleine mer.

On purifie cette graisse en la lavant, et en la faisant cuire : ensuite avec une brosse fine, on en donne au taffetas des couches de haut en bas en un même sens et du seul côté qu’on veut lustrer. Quand les ouvriers travaillent la nuit, ils usent à leurs lampes de cette graisse fondue, au lieu d’huile. Son odeur délivre de mouches le lieu où ils travaillent, ce qu’on regarde comme un grand avantage, car ces insectes, en se plaçant sur l’ouvrage, lui sont fort dommageables.

La province de Chan tong fournit une soie particulière, qui se trouve en quantité sur les arbres et dans les campagnes ; elle se file, et l’on en fait une étoffe, nommée kien tcheou. Cette soie est produite par de petits insectes qui ressemblent assez aux chenilles : ils ne la tirent pas en rond, ni en ovale, comme font les vers à soie, mais en fils très longs : ce fil s’attache aux arbrisseaux et aux buissons, selon que le vent le pousse d’un côté ou d’autre. On amasse ces fils, et on en fait des étoiles de soie qui sont plus grossières, que celles qui se font de la soie filée dans les maisons : mais aussi ces vers sont sauvages, et ils mangent indifféremment les mûriers et les feuilles des autres arbres. Ceux qui ne s’y connaissent pas, prendraient ces étoffes pour de la toile rousse, ou pour un droguet des plus grossiers.

Les vers qui filent cette soie, sont de deux espèces : la première qui est beaucoup plus grosse et plus noire que nos vers à soie, se nomme tsouen kien ; la seconde qui est plus petite, se nomme tiao kien. Le cocon de la première est d’un gris roussâtre ; celui de l’autre est plus noir. L’étoffe qu’on en fait, tient de ces deux couleurs ; elle est fort serrée, ne se coupe point, dure beaucoup, se lave comme de la toile ; et quand elle est bonne, les taches ne la gâtent point, pas même celle de l’huile qui tombe dessus. Cette étoffe est fort estimée des Chinois, et est quelquefois aussi chère que le satin, et les étoffes de soie les mieux faites. Comme les Chinois sont très habiles à contrefaire, ils font de faux kien tcheou avec le rebut de la soie de Tche kiang, et il est aisé d’y être trompé si l’on n’y prend garde.

Depuis quelques années les ouvriers de Canton se sont mis à faire des rubans, des bas, et des boutons de soie ; et ils y réussissent parfaitement bien. Les bas de soie, ne se vendent qu’un tael, et les plus gros boutons ne coûtent que dix sols la douzaine.

Comme l’abondance et la bonté de la soie, dépendent beaucoup de la manière dont on élève les vers qui la produisent, et des soins qu’on se donne pour les nourrir depuis le temps qu’ils sont éclos jusqu’au temps de leur travail, la méthode qu’on observe à la Chine, pourra devenir aussi utile