Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/317

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vigoureuses, mais la racine et le cœur ne sont pas solides et de durée : quoique leurs feuilles soient bonnes pour tout âge, elles sont néanmoins plus propres à nourrir les vers qui sont déjà un peu grands.

Parmi ces sortes de mûriers, il y en a qui poussent des feuilles de très bonne heure : ce sont ceux-là qu’il faut choisir ; pour les avoir près de sa maison, afin de pouvoir plus aisément en préserver le pied des méchantes herbes, le fumer, l’arroser dans les temps de sécheresse, et avoir comme à sa main les premières provisions de vivres pour ces précieux insectes.

Les jeunes arbrisseaux qu’on a trop effeuillés avant qu’ils eussent trois ans, se ressentent dans la suite de cet épuisement : ils deviennent faibles et tardifs. Il en arrive de même à ceux dont on ne coupe pas bien net les feuilles et les branches, qu’on emporte tout effeuillées. Quand ils ont atteint trois ans, ils sont dans leur grande vigueur, mais ils commencent à la perdre vers l’âge de cinq ans, lorsque leurs racines s’entrelacent. Le remède qu’on y apporte, c’est de déchausser ces arbres vers le printemps, de couper les racines trop entrelacées, et de les couvrir ensuite d’une terre préparée, qui se lie aisément par le soin qu’on prend de l’arroser.

Quand ils vieillissent, il y a un art de les rajeunir ; c’est de couper toutes les branches épuisées, et d’y enter des jets bien sains : il se glisse par là dans tout le corps de l’arbre un ferment qui le vivifie : c’est au commencement de la seconde lune qu’il faut enter, c’est-à-dire, au mois de mars.

Pour empêcher que ces arbres ne languissent, il faut examiner de temps en temps si de certains vers ne les ont pas percés, pour y déposer leurs semences. On fait mourir ces vers, en y insinuant un peu d’huile du fruit de l’arbre tong. Toute autre huile forte produirait sans doute le même effet.

Le terroir convenable aux mûriers ne doit être ni fort, ni trop dur. Un champ qui a demeuré longtemps en friche, et qu’on a nouvellement labouré, y est très propre. Dans les provinces de Tche kiang et de Kiang nan, d’où vient la meilleure soie, on a soin d’engraisser la terre de la boue qu’on tire des canaux, dont le pays est coupé, et qu’on nettoie tous les ans. On peut y employer les cendres et la fiente des animaux, sans oublier celle des vers à soie. Les petits légumes qu’on sème entre ces arbres, ne leur font aucun tort, pourvu néanmoins qu’on soit attentif à ne pas labourer la terre près de l’arbre, car le soc endommagerait les racines.

Mais voici ce qu’il y a de principal, et ce qui apporte le plus de profit ; c’est d’avoir l’œil à ce que les mûriers soient taillés à propos, et par une main habile : l’arbre en est, et plus tôt, et plus chargé de feuilles : ces feuilles sont mieux nourries, et d’un goût plus propre à réveiller l’appétit des vers. On ne doit pas craindre d’éclaircir les branches, et surtout celles du cœur de l’arbre, afin d’y laisser une place vide et libre. Celui qui est chargé de faire la provision des feuilles, étant placé dans le centre de l’arbre, les cueille bien plus commodément. Il ramasse plus de feuilles en un jour, qu’un autre qui n’aurait pas pris cette précaution, n’en ramasserait en plusieurs jours. Ce qui n’est pas une petite épargne.