Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/318

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D’ailleurs quand les vers sont affamés, on ne court point le risque de les faire souffrir de la faim : leur repas est bien plutôt préparé, que s’il fallait faire la provision de feuilles fraîches, sur un mûrier épais comme un buisson. Pour faciliter la cueillette autour de l’arbre, on se sert d’une échelle fourchée, qui se soutient elle-même sans appuyer sur le mûrier, de crainte de lui nuire. Notre auteur prétend qu’un mûrier bien taillé en vaut deux autres, et rend un double profit.

C’est au commencement de janvier, ou dans tout ce mois-là qu’on taille les mûriers : on les taille de la même façon qu’on taille les vignes, et en particulier les treilles. Il suffit que les branches qu’on laisse aient quatre yeux. Le surplus doit être rejeté. On coupe entièrement quatre sortes de branches : 1° Celles qui sont pendantes et qui penchent vers la racine. 2° Celles qui se jettent en dedans, et qui tendent vers le tronc. 3° Celles qui sont fourchues, et qui sortent deux à deux du tronc de l’arbre : l’une de ces branches doit être nécessairement retranchée. 4° Celles qui d’ailleurs viennent bien, mais qui sont trop épaisses et trop garnies.

On ne laissera donc que les branches qui se jettent en dehors de l’arbre : au printemps suivant elles auront un air vif et brillant, et les feuilles qui auront le plus poussées, avanceront la vieillesse des vers, et augmenteront le profit de la soie.

Notre auteur qui compte beaucoup sur l’art de tailler les mûriers, ainsi qu’il se pratique dans son pays de Nan king et au voisinage de Tche kiang, dit hardiment que ceux de la province de Chan tong qui en usent autrement, devraient éprouver cette méthode, et ne pas s’en tenir opiniâtrement à leurs anciennes pratiques.

Sur la fin de l’automne, et avant que les feuilles des mûriers jaunissent, il faut les cueillir, les faire sécher au soleil, puis les battre et les briser en petites parties, les conserver dans un lieu non fumé, et même les enfermer dans de grands vases de terre, dont on bouchera l’ouverture avec de la terre grasse. Au printemps ces feuilles brisées seront réduites en une espèce de farine. On la donne aux vers après qu’ils ont mué. J’expliquerai en son lieu la manière de la donner, et les bons effets qu’elle produit.

Dans les provinces de Tche kiang et de Kiang nan qui produisent la meilleure soie, on est attentif à empêcher les mûriers de croître : on les taille pour qu’ils ne viennent qu’à une certaine hauteur. Les branchages qu’on ramasse avec soin, sont de plus d’un usage ; car les Chinois savent mettre tout à profit. 1° Dans les endroits où le bois est rare, ils servent à faire du feu pour chauffer l’eau où l’on met ses bonnes coques de soie, afin de les dévider plus aisément. 2° De la cendre de ces branches, on en fait une lessive, où l’on jette les coques percées par les papillons, et celles qui sont défectueuses. Avec le secours de cette lessive où elles cuisent, elles s’élargissent extraordinairement, et deviennent propres à être filées pour faire de la filoselle, ou être préparées pour la ouate qui tient lieu de coton. 3° Enfin avant que de destiner au feu ces branchages, il y en a qui les dépouillent