Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/354

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extrêmement à la coupe. On ensevelit dans une mare d’eau boueuse, ces bandes étroites qu’on a fendues, afin qu’elles y pourrissent en quelque sorte, et que cette macération produise la solution des parties compactes et tenaces. Au bout d’environ quinze jours on retire les bambous de la mare ; on les lave dans une eau pure, on les étend dans un large fossé, et on les couvre abondamment de chaux. Après quelques jours on les en retire, et les ayant lavés une seconde fois, on les réduit en une espèce de filaments, et on les expose au soleil, afin qu’ils se sèchent, et qu’ils blanchissent. Puis on les jette dans de grandes chaudières, où on les fait bien bouillir, et ensuite on achève avec les pilons de les réduire en une pâte fluide.

L’auteur chinois ajoute, que sur les montagnes et dans les lieux incultes, on trouve une plante sarmenteuse d’une peau lissée, et glissante au toucher. C’est ce qu’exprime son nom hoa teng : on l’appelle aussi ko teng : parce qu’elle produit de petites poires aigrelettes, d’un vert blanchâtre, et bonnes à manger. Ses tiges grosses comme des ceps de vigne, rampent à terre, ou s’entortillent autour des arbres. Voici, selon notre auteur, quel est son usage.

On coupe différentes tiges de cette plante sarmenteuse, qu’on laisse tremper quatre à cinq jours dans l’eau : alors il en sort un suc onctueux et gluant, qui ressemble à une espèce de colle ou de gomme : on mêle cette eau gommée avec la matière du papier : il faut la mélanger à peu près de la même sorte, que les peintres tempèrent leurs couleurs, et éviter d’en mettre trop, ou trop peu. L’expérience apprend le juste milieu qu’on doit garder. Peut-être au défaut du ko teng pourrait-on y employer le fruit du gui, qui est naturellement visqueux, ou l’écorce intérieure du houx, laquelle étant pourrie et pilée dans des mortiers, se réduit en une pâte gluante.

Quand on a mêlé le suc du ko teng avec les parties du bambou, délayées de telle sorte, qu’elles ressemblent à de l’eau trouble et pâteuse, on verse cette eau dans de larges et profonds réservoirs qu’on a préparés, et qui doivent être composés de quatre murailles à hauteur d’appui, tellement mastiquées au fond et aux parois, que la liqueur ne puisse ni couler, ni pénétrer : alors des ouvriers placés aux côtés du réservoir, enlèvent avec des moules la surface de la liqueur, qui devient presque aussitôt papier. Sans doute que le suc mucilagineux et gluant du ko teng, en lie les parties, et contribue beaucoup à rendre le papier si uni, si doux, et si poli ; ce que n’a point le papier d’Europe, au moment qu’il se forme.

Le châssis destiné à lever les feuilles de papier, dont le cadre est aisé à démonter, à hausser, et à baisser, n’est point garni de fil de fer comme en Europe, mais de fil de bambou. Ce sont de petites baguettes, qu’on tire plusieurs fois par une filière faite de plaques d’acier, et qu’on rend aussi fines et aussi déliées que le fil de fer. On les cuit au feu dans de l’huile, pour les en pénétrer, afin que le châssis entre légèrement dans l’eau, et qu’il n’y enfonce qu’autant qu’il est nécessaire, pour lever les feuilles de papier.