Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/406

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en Europe, les philosophes sont poètes, et parmi tous les écrivains qui ont un nom célèbre, le seul Tseng nan fong n’a point fait de vers ; c’est pourquoi on le compare à une belle fleur nommée hai tang, qui serait parfaite, si elle avait de l’odeur.

Comme les Chinois ont de l’esprit et de la disposition pour les sciences, et que la philosophie morale est une des connaissances par où ils peuvent s’avancer, ils s’y appliquent plus qu’à toute autre science. Il y a dans toutes les provinces de l’empire un grand nombre de licenciés et de bacheliers. Ce nombre passe quelquefois dix mille dans une province. Le nombre des étudiants qui aspirent aux degrés, sans rien exagérer, va à plus de deux millions. Dans ses provinces méridionales, à peine y a-t-il un Chinois, qui ne sache lire et écrire.

Ils ont encore plusieurs livres qui traitent de la philosophie naturelle, où l’on trouve des raisonnements fort spirituels sur la nature, les propriétés, et les effets de diverses choses. Les erreurs qui se trouvent dans ces ouvrages, viennent plutôt du peu de commerce qu’ils ont avec les autres nations, que du défaut de leur pénétration. C’est ce peu de commerce qui les a rendus fort ignorants dans la cosmographie ; car à peine connaissent-ils d’autre pays que le leur. De là sont venues les extravagantes rêveries, qui régnaient parmi eux, avant que les Européens les eussent instruits de l’état du monde. A la vérité dans leurs cartes, ils donnaient à leurs quinze provinces l’étendue qu’elles ont. Mais pour ce qui est des autres royaumes, ils les plaçaient à l’aventure autour de leur empire, en de fort petits espaces, sans les distinguer par aucune différence de longitude et de latitude.

Enfin, si l’on en excepte l’Europe, je ne crois pas qu’il y ait aucune nation, qui ait publié tant de livres, que la nation chinoise : elle en fournit sur toutes sortes de matières. Il y en a qui parlent de l’agriculture, des plantes, de l’art militaire, des arts libéraux et mécaniques, des histoires particulières, de la philosophie, de l’astronomie, etc. On trouve des tragédies, des comédies, des romans, des livres de chevalerie, des discours éloquents, et beaucoup d’autres traités sur une infinité de sujets. Leurs savants ont beaucoup de facilité et d’inclination à composer des livres, et on en voit un grand nombre qui sortent de leurs mains. Les bonzes ont aussi leurs livres composés sur le culte de leurs fausses divinités, qu’ils ont soin de répandre, lorsqu’ils le jugent nécessaire, pour abuser de la crédulité des peuples, et pour augmenter leurs revenus.

Mais rien n’est plus respecté des Chinois, que les cinq livres qu’ils appellent Ou king, et qu’ils révèrent tant pour leur antiquité, que pour l’excellence de la doctrine, qu’ils disent y être enseignée : ce sont pour eux des livres sacrés, et pour lesquels ils ont la plus profonde vénération. Les autres livres les plus autorisés dans l’empire, n’en sont que des interprétations.

Parmi les auteurs qui ont le mieux travaillé sur ces anciens originaux, Confucius s’est rendu le plus célèbre : aussi les Chinois le regardent-ils comme