Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/468

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chef et les membres ; mais que cet accord et cette intelligence ne peuvent subsister, si le prince ne songeant qu’à ses divertissements, et loin de les partager avec son peuple, le laisse plongé dans la tristesse et la misère, et que c’est là la source de ses murmures.

Le prince changeant de discours : On rapporte, dit-il, que le parc du prince Ven vang avait 70 stades de circuit, et le peuple le trouvait trop petit ; le mien n’a que quarante stades, et le peuple le trouve trop grand. A quoi attribuer ces différents jugements du peuple ?

Je vais vous l'apprendre, répondit Mencius. Il était permis à quiconque d'entrer dans le parc du prince Ven vang, d’y prendre du bois et des légumes, d’y chasser les faisans et les lièvres : l’entrée n’en était fermée à personne ; voilà pourquoi le peuple le trouvait trop petit. Quand je suis entré sur vos terres, je me suis informé des usages de votre royaume, afin de les observer ; de même que des inhibitions et des défenses faites par vos lois, afin de ne les point enfreindre : on m’a répondu que vous aviez un parc de quarante stades de circuit ; que l’entrée en était interdite à tous vos sujets ; et que si quelqu’un avait été assez hardi que d’y mettre le pied, et d’y tuer ou blesser un de vos cerfs, il était puni aussi sévèrement, que s’il avait tué ou blessé un homme. Vous étonnez-vous après cela que le peuple le trouve trop grand ?

Le prince à qui ces avis ne plaisaient guère, passa à une autre question. Apprenez-moi, dit-il, ce que je dois faire, pour conserver la paix dans mon État, et gagner l’amitié des princes mes voisins. Deux choses, répondit le philosophe ; être obligeant, officieux, toujours prêt à faire plaisir à ceux qui sont plus faibles que vous ; être respectueux et soumis envers ceux qui sont plus puissants que vous. Il l’exhorte ensuite à ne se pas livrer aux saillies d’un naturel fougueux et bouillant, en lui faisant voir que la vraie force consiste à modérer sa colère, et à maîtriser ses passions, et que la vraie sagesse n’envisage que la pure équité.

Une autre fois le prince ayant admis Mencius dans la maison de plaisance : Ce lieu si délicieux, lui dit-il, n’a-t-il rien d’incompatible avec la sagesse dont un roi doit faire profession ? Non, répondit Mencius, pourvu qu’un roi se fasse un sujet de joie de ce qui réjouit ses sujets, et qu’il s’afflige de ce qui les attriste. S’il partage avec ses peuples leur joie et leur tristesse, ses peuples à leur tour partageront avec lui ses chagrins et ses plaisirs. C’est par là qu’un royaume est bien gouverné.

Les anciens empereurs, poursuivit Mencius, faisaient tous les douze ans la visite des royaumes et des rois leurs tributaires ; et cette visite s’appelait Inspection. Tous les six ans ces rois se rendaient à la cour de l’empereur, pour y rendre compte de leur conduite, et de la manière dont ils administraient leur État. De même les empereurs dans leur district, et les rois dans leur royaume, faisaient deux fois chaque année la visite : la première au printemps, pour examiner si l’on avait soin de semer et de labourer les terres ; et lorsqu’en quelque endroit on manquait de grains pour les ensemencer, ils en