Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/475

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province de Teng, que cinq mois de deuil pour un roi, il passa ce temps-là à pleurer son père. Quand le jour fut marqué pour conduire le corps à la sépulture, la curiosité du spectacle attira une multitude innombrable de peuples, de toutes les parties de l’empire : on voyait le prince suivre la pompe funèbre, avec un visage hâve et exténué et poussant des sanglots qui partaient véritablement du cœur, et qui attendrissaient jusqu’aux larmes ce grand nombre de spectateurs.

Ces étrangers s’en retournèrent dans leur patrie après la solennité des obsèques ; et ce furent autant de bouches, qui vantèrent partout la piété de Ven kung et qui ressuscitèrent la pratique des anciennes cérémonies, instituées pour honorer les défunts, qu’on avait alors beaucoup négligées.

Ven kung se disposant à gouverner son royaume par lui-même, demande à Mencius des règles de conduite, pour le gouverner sagement. Le premier objet, dit Mencius, qui doit frapper un roi, c’est le peuple : ce qui touche davantage le peuple, c’est la subsistance : ce qui le fait subsister, ce sont les terres, quand elles sont cultivées soigneusement, et qu’elles produisent abondamment les choses nécessaires à la vie. Il faut donc principalement veiller à la culture des terres, et avoir un extrême soin qu’elles ne soient pas en friche : alors le peuple aura de quoi vivre, et n’ayant point d’inquiétude sur ses besoins, il travaillera à régler ses mœurs, et à acquérir la vertu.

Au contraire s’il se trouve dans la disette, la bride se lâchera bientôt à toutes les passions ; car il n’y a point de crime que la nécessité et l’indigence ne lui fassent commettre : la rigueur des lois, et la sévérité des peines, sont un frein trop faible pour le contenir, lorsque ses besoins sont extrêmes. C’est pour cette raison qu’autrefois les sages princes vivaient avec beaucoup de modestie et de frugalité. La modestie les engageait à traiter leurs peuples avec douceur, et la frugalité les empêchait d’excéder dans l’imposition des tributs. Ce qui a fait dire à un mandarin habile, qu’un prince qui veut être riche, ne peut pas devenir vertueux ; ou que s’il veut être vertueux, il ne peut pas devenir riche.

Mencius exhorte ensuite le prince à établir des écoles publiques, où l’on enseigne à pratiquer la vertu. Puis il lui apprend la manière, dont on doit faire le partage et la division des terres ; en sorte que, ni les laboureurs, ni les officiers du roi, ne puissent se faire aucun tort les uns aux autres. Enfin, conclut Mencius, si vous pratiquez exactement tout ce que je viens de vous dire, je n’oserais pas vous promettre de parvenir un jour à l’empire ; mais je puis bien assurer que les empereurs se formeront sur vous, et vous prendront pour modèle.

Le prince profita des instructions du philosophe ; et par la sage distribution qu’il fit des terres, et son attention à les faire cultiver, il vit bientôt régner l’abondance dans son État. La réputation qu’il se fit, engagea plusieurs étrangers à venir fixer leur demeure dans son royaume, et à lui demander des terres à cultiver.