Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/491

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Mais quelle raison lui apporterez-vous, dit Mencius, pour les persuader, et les amener à votre sentiment ? Je leur ferai voir, répondit Sung keng, que cette guerre ne peut être d’aucune utilité à leurs États, et qu’au contraire elle leur sera très pernicieuse.

Je crains bien, reprit Mencius, que vous ne perdiez vos peines, si vous n’avez point d’autre raison à leur alléguer que leur propre intérêt, et que vous ne parveniez point au but que vous vous proposez, qui est de tranquilliser ces deux royaumes. Je veux que ce motif les porte à licencier leur troupes, et à mettre bas les armes. Mais qu’arrivera-t-il ? On ne verra plus de sincérité et de candeur : les capitaines et les magistrats dans leur obéissance au prince, les enfants dans leur respect envers leurs parents, n’auront plus en vue que leur avantage particulier : le propre intérêt sera l’âme de la subordination, si nécessaire dans tout bon gouvernement : la piété, l’honnêteté, l’équité, seront des vertus inconnues : à la moindre apparence de gain, ce ne sera que querelles, et disputes, chacun voulant l’emporter sur l’autre : de là naîtront les dissensions, les haines, les fureurs, les meurtres, et le carnage : le propre intérêt est la peste de la société humaine ; et un royaume où il se glisse ne peut pas subsister longtemps.

Si vous voulez donc procurer la tranquillité de ces deux royaumes, il faut faire goûter aux princes qui les gouvernent, la beauté de la vertu, et surtout de la piété et de l’équité : s’ils prennent ces deux vertus pour la règle de leur conduite, ils perdront bientôt l’envie de se faire la guerre. Les mandarins et le peuple se conduiront par les mêmes règles, et dans le respect et l’obéissance qu’ils doivent, soit à leur prince, soit à leurs parents, ils ne consulteront que la piété et l’équité. Dès lors on verra régner la sincérité, la candeur, la paix, la concorde, la vérité, la fidélité, et l’obéissance. Ce sont ces vertus qui coupent la racine aux divisions, et qui établissent ou entretiennent la paix dans un État.

Il raconte ensuite le soin qu’avaient les anciens empereurs, de visiter les divers royaumes de l’empire, et la peine qu’ils imposaient aux princes, lorsqu’ils trouvaient que l’agriculture était négligée, que les sages étaient méprisés, que les vieillards n’étaient pas soulagés dans leurs misères, ou qu’on élevait aux charges et aux dignités des hommes sans piété, qui vexaient le peuple.

Puis il rapporte les ordonnances qui concernaient ces princes feudataires. S’ils manquaient à venir au temps marqué à la cour impériale, pour y rendre compte de leur administration, on les punissait pour la première fois, en les abaissant d’un degré de leur noblesse. La seconde fois, on retranchait de leurs revenus, et on diminuait l’étendue de leur domination. Enfin la troisième fois, l’empereur envoyait une armée, pour punir ce roi rebelle, et le déposer de la dignité. Souvent même il chargeait de cette commission les rois voisins, qui de concert faisaient marcher leurs troupes, et exécutaient les ordres de l’empereur.

Il rapporte les sages règlements que fit le prince Ven kung, dans une occasion semblable. Il tint une assemblée d’États, où se trouvèrent tous les