Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/496

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lui parla ainsi : la route que vous nous tracez pour parvenir à la perfection, est belle ; mais elle est trop élevée, et il en est peu qui osent se flatter d’y atteindre. Que ne la rendez-vous plus facile ? Vous auriez un plus grand nombre de disciples.

Il n’y a point d’artisan, répondit Mencius, qui enseignant son art, ne suive une méthode fixe, et certaines règles immuables, auxquelles il ne lui est pas permis de toucher, et vous voulez qu’un maître de la sagesse, qui enseigne la voie de la perfection, ait une doctrine variable, qu’il la rende conforme au gré et au caprice de ceux qui l’écoutent ? Il trahirait la profession, s’il en était capable, et il cesserait d’être le maître de la sagesse.


CHAPITRE HUITIÈME.


Mencius s’entretenant avec son disciple Kung fun cheou sur le roi de Guei, appelé Hoei vang, dit que ce prince n’avait point de vraie piété ; qu’il avait de la compassion pour les bêtes, et qu’il était cruel envers les hommes. En voulez-vous la preuve ? ajoute t-il. Ce prince transporté du désir d’agrandir ses États, et de s’enrichir des troupeaux de ses voisins, livrait de sanglantes guerres et ses peuples devenaient la victime de son ambition : bien qu’il vît la terre rougie de sang, et couverte des corps morts de ses soldats, cet affreux spectacle ne le touchait pas. Bien plus, après avoir vu une partie de son armée taillée en pièces, loin d’en sauver les débris, il ralliait le reste de ses soldats, les menait de nouveau au combat, et plaçait à la tête de l’armée son fils, ses parents, et ceux en qui il avait le plus de confiance. Il préférait donc quelques acquisitions à la vie des personnes qui devaient lui être les plus chères. Appelez-vous cela une vraie piété ? Ne me dites pas que Confucius, dans son livre intitulé Le printemps et l’automne, fait l’histoire des guerres que les princes se faisaient les uns aux autres. Ce philosophe n’approuve la guerre que lorsqu’elle est juste, telle qu’est celle que l’empereur entreprend pour punir un prince rebelle : mais il blâme et désapprouve les guerres injustes, telles que sont celles que les princes se font, sans en avoir permission de l’empereur.

Si quelqu’un, poursuit Mencius, va trouver un prince et lui dit : je suis habile dans le métier de la guerre, je sais ranger une armée en bataille ; et que par ce discours il engage le prince à prendre les armes, et à porter la guerre chez ses voisins ; ne doit-on pas le regarder comme un homme altéré de sang, et un vrai perturbateur de la tranquillité publique ? Un prince véritablement vertueux n’a pas besoin d’armes pour vaincre : sa vertu et la douceur de son gouvernement, sont plus propres à subjuguer les royaumes, que les plus éclatantes victoires.

Il n’en faut point d’autre exemple que celui du prince Tchin tang : tandis qu’il parcourait les provinces du midi, les provinces septentrionales se plaignaient de sa lenteur. N’y a-t-il pas assez longtemps, disaient-elles, que nous gémissons sous l’oppression tyrannique d’un maître impitoyable ?