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commencer l’entretien le premier ; les lois de la politesse veulent que ce soit le maître du logis qui entame le discours.





CHAPITRE TROISIÈME.


De la vigilance qu’on doit avoir sur soi-même.


PARAGRAPHE I.


Règles pour bien gouverner son cœur.


Lorsque la raison prend l’empire sur les passions, tout va bien ; mais lorsque les passions maîtrisent la raison, tout va mal.

Un prince qui veut être heureux, et procurer le bonheur de ses peuples, doit observer les choses suivantes : prendre garde que la haute élévation où il se trouve, ne lui inspire des manières fières et méprisantes ; résister à toute passion déréglée ; ne point s’entêter d’une opinion dont il s’est laissé prévenir ; ne prendre que des plaisirs honnêtes ; s’étudier à être populaire et sérieux : c’est ce qui le fera aimer des peuples ; s’il aime quelqu’un, ne pas s’aveugler sur ses défauts ; s’il hait quelqu’autre, ne pas fermer les yeux à ses bonnes qualités ; s’il amasse des richesses, que ce soit pour les répandre ; enfin qu’il ne décide jamais dans le doute, et qu’en disant son avis, il ne prenne point le ton affirmatif.

Quand vous sortez hors de votre maison, ayez un air modeste, et semblable à celui que vous prenez, quand vous rendez visite à un grand seigneur. Quand vous déclarez vos ordres au peuple, ayez autant de gravité, que si vous assistiez à quelque grande solennité. Mesurez les autres sur vous-même, et ne faites à qui que ce soit ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fît.

Quand vous êtes seul, ne cessez pas d’être modeste ; lorsque vous traitez de quelque affaire, donnez-y toute votre attention. Dans le commerce ordinaire de la vie civile, faites paraître beaucoup de candeur. Ce sont-là des vertus que vous ne devez jamais négliger, fussiez-vous relégué chez les nations les plus barbares.

On peut dire qu’un homme mérite la réputation de sage, quand il n’aime point à remplir son estomac de viandes, quand il ne cherche point ses aises, quand il a de la dextérité dans les affaires, de la discrétion dans ses paroles, et qu’il ne veut avoir de société qu’avec des personnes sages et vertueuses. <references>