Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/539

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ans, qui s’écoulèrent depuis Ven vang jusqu’aux derniers règnes de la dynastie Tcheou, il se trouva divers bons princes, et grand nombre de sages ministres, qui s’opposèrent à la corruption du siècle, et qui plein d’estime pour le gouvernement des anciens, tâchèrent de le rétablir. Cependant tous leurs efforts furent presque inutiles. Les choses allèrent de mal en pis. A quoi attribuer cela ? Fut-ce uniquement la faute des hommes ? ou ne faut-il pas plutôt dire qu’il en arriva ainsi par un arrêt descendu de Tien[1] ? Enfin à quoi attribuer les prospérités de nos trois fameuses dynasties ? Quel a été le premier principe de leur décadence et de leur ruine ? 

J’ai assez entendu faire la distinction de longue vie et de mort prématurée, de gens nés sages et vertueux, et d’autres nés sans esprit, ou naturellement portés au vice. On dit en parlant des uns et des autres : c’est leur naturel, c’est leur destin. Voilà le langage ordinaire qu’on tient sur ces différences. Je l’ai entendu mille fois : mais je vous avoue franchement, que je ne vois point clair en tout cela. En attendant que je reçoive de vous quelque éclaircissement, voici ce que j’ai principalement à cœur. Je voudrais que chacun, de soi-même, et sans contrainte, fît son devoir ; que du moins les lois les plus douces, et les punitions les plus légères fussent suffisantes, pour contenir et redresser les moins vertueux ; enfin que mes peuples bien unis fussent tous contents, et que le gouvernement fût sans défaut. Je voudrais que les rosées et les pluies tombant toujours à propos, rendissent les champs fertiles, et les arbres abondants en fruits ; qu’il n’arrivât point dans les astres de phénomène effrayant ; que les saisons fussent bien réglées. Enfin je voudrais, aidé du puissant secours de Tien, et de la protection constante des Kouei chin, faire fleurir de plus en plus mon empire, rendre chaque jour plus heureux mes sujets, faire part de ce bonheur aux peuples voisins, et, s’il se pouvait, à tout l’univers.

Voilà, Ta fou, quels sont mes souhaits. Versé comme vous êtes dans l’antiquité la plus reculée, instruit à fond du gouvernement de nos anciens sages princes, et de tous les ressorts dont dépend le bonheur ou le malheur des empires, je ne doute point que vous ne me donniez sur tout cela de grandes lumières. Mais ce que je vous recommande, c’est que pour me mieux instruire, vous y procédiez avec ordre, sans embrasser trop de choses à la fois, sans confondre les matières, traitant d’abord un sujet, ensuite un autre, avançant toujours pied à pied, et faisant surtout bien sentir sur chaque article, ce qu’il y aura de plus essentiel et de plus d’usage. Ce que vous aurez remarqué dans tous les officiers de l’empire, comme défaut de vertu, défaut de droiture, manque de zèle ou d’application, marquez-le moi sans en rien omettre ; et sur ce qui regarde ma personne, exprimez-vous librement, sans déguisement, sans détour, et ne craignez point de fâcheux revers. Employez-vous incessamment à me dresser un ample mémoire. Quand il sera fait, je le lirai.

  1. Du Ciel.