Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/540

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Tchuen ti hong chu dressa en effet un mémoire pour l’empereur, ou plutôt lui présenta un assez long discours écrit de sa main, dont je donnerai ci-après l’extrait. Vou ti en parut fort satisfait ; et pour s’en procurer encore quelque autre, il fit la déclaration qui suit.


On dit de Chun[1], qu’en se promenant tranquillement les mains croisées, et sans se donner aucun mouvement, il fit cependant jouir l’empire d’une paix parfaite. On dit au contraire de Ven vang[2], que pour maintenir tout dans l’ordre, il se donna de très grands soins. Le gouvernement, dit-on, l’occupa si fort, que souvent le soleil couché, il n’avait pas encore pris son repas. Est-ce que ces deux grands princes n’avaient pas les mêmes principes ? Pourquoi l’un fatiguer tant, et l’autre si peu ? Je ne sais si je me trompe mais je crois voir la raison d’une si grande différence. Du temps de Chun, régnait encore dans toute sa pureté l’heureuse simplicité des premiers siècles. Du temps de Ven vang au contraire, la pompe et le luxe avaient déjà pris naissance. En effet dès le commencement de la dynastie Tcheou, nous trouvons dans les anciens livres, des chariots vastes et richement ornés, des armes peintes, brillantes, et quelquefois enrichies de pierres précieuses. Nous y trouvons établies des musiques d’appareil, et des ballets magnifiques : au lieu que du temps de Chun on ne trouve rien de semblable. A-t-on une belle pierre précieuse sans défaut ? On n’y grave point de figures ; au lieu de l’embellir, on la gâterait : c’était la maxime du temps de Chun. Sous les Tcheou en régnait une autre, suivant laquelle on prétend que la vertu a besoin d’aide, et qu’un peu d’éclat la soutient.

Dans des temps encore moins éloignés les uns des autres, il s’est vu d’aussi grandes différences. Pour effrayer les méchants, on établit des lois sévères. Les mutilations étaient fréquentes ; on les abolit sous les Tcheou et sous le règne de Kang vang, le nombre des criminels fut si petit, que pendant l’espace de quarante ans, les prisons demeurèrent vides. L’usage de ces supplices, recommença sous les Tsin. Ce fut un carnage horrible qui ne diminua cependant point le nombre des crimes. Il périt par là un monde infini. On n’y peut penser sans horreur et sans compassion. Hélas ! c’est ainsi que rappelant continuellement, et comparant ce qui s’est passé sous tant d’empereurs qui m’ont précédé, je tâche d’en profiter pour

  1. Nom d'un empereur fameux.
  2. Autre fameux prince qui était au commencement de la dynastie Tcheou.