Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/554

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exemple : les ministres et les magistrats en feront autant. Que deviendront vos bons desseins ? Que n’avez-vous point fait depuis votre avènement à la couronne, pour mettre vos peuples à l’aise ? Vous avez fait des retranchements sur votre table, sur votre musique, sur vos équipages, sur vos troupes. Vous avez plus d’une fois relâché les droits et les tributs annuels. Vous avez réduit en terres labourables tous vos parcs et vos jardins. On a vu sortir de vos magasins, pour le soulagement des pauvres, jusqu’à cent mille pièces d’étoffe. Vous avez réglé en faveur des vieillards des exemptions pour leurs enfants. Vous maintenez les dignités de nan, de tze, et autres semblables ; chacun y peut monter par degrés ; leurs appointements sont considérables et bien payés ; sans compter les gratifications extraordinaires que vous faites surtout à vos premiers officiers et à leurs familles. Enfin vos bienfaits se sont étendus jusque sur les criminels : vous leur avez procuré du soulagement dans leur misère : vous leur avez accordé la consolation de voir leurs parents ; et vous avez adouci en leur faveur la rigueur des lois. Par là vous avez non seulement gagné le cœur de tous vos sujets, mais encore vous avez attiré d’heureuses pluies, qui ont été suivies d’une ample récolte. Il n’y a plus tant de misérables : on voit beaucoup moins de voleurs ; et Tien[1] secondant vos bonnes intentions, a diminué le nombre des criminels, à proportion que vous avez adouci la rigueur des châtiments.

J’ai appris que dans les provinces, les magistrats faisant publier vos déclarations, il n’y a point de vieillard d’un âge si décrépit, qui soutenu sur son bâton, ne s’empresse de les entendre, et ne dise en les entendant : que ne puis-je encore vivre un peu de temps, pour voir dans la perfection l’heureux changement, que va produire la vertu d’un si bon prince ! Les choses étant sur ce pied-là, votre réputation étant si bien établie dans tout l’empire, et votre cour fournie de tant de gens du premier mérite, au lieu d’en profiter pour achever heureusement ce que vous avez si bien commencé, et pour soutenir les espérances qu’on a conçues de votre règne, vous les employez ces grands hommes, à quoi ? A de purs amusements. Non, prince, je ne le puis voir sans une extrême douleur, et mon zèle ne me permet pas de vous le dissimuler. Hélas ! que notre Chi king dit vrai : bien commencer, c’est chose ordinaire mais bien finir, c’est chose rare.

Au reste, ne croyez pas que je vous propose rien de si difficile dans l’exécution. Je souhaiterais seulement que vous vous occupassiez moins de la chasse ; que vous fissiez revivre à certains temps les cérémonies du Ming tang[2] et que vous fissiez rétablir et fleurir le Tai hio[3], vous en verriez avec plaisir des fruits admirables ; mais quant à ces lettrés

  1. Le Ciel.
  2. Les antiquaires chinois ont bien du rabbinisme sur le ming tang, et conviennent peu ensemble.
  3. Le grand collège. En chinois Taï, signifie très grand, le premier ; et Hio signifie étude, école, collège.