Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/568

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on lui donnait, étaient de préférer toujours la vraie sagesse aux autres talents ; d’honorer particulièrement ceux qui se distinguent par leur vertu ; enfin de ne mettre dans les grands emplois, que gens d’une habileté et d’une vertu non commune, gens capables de voir et d’exécuter tout ce qui peut faire fleurir l’empire. De l’Occident il passait au Nord, où on lui exposait la différence des conditions, les égards que doit avoir le souverain pour ceux que de grands emplois, ou des dignités éminentes élèvent au-dessus des autres, afin d’entretenir par là dans l’État cette distinction de rangs si nécessaire, et d’obliger chacun à tenir le sien. Après avoir passé par ces quatre écoles, il montait à une cinquième supérieure aux autres. Là, sous les plus habiles maîtres, il prenait des leçons plus profondes et plus étendues. Après chacune il se retirait avec son tai fou[1] qui lui en faisait rendre compte. S’il avait mal pris les choses, le tai fou le redressait, et l’en punissait même quelquefois. Mais surtout il lui inculquait les points les plus importants, et lui aidait à les bien comprendre. Ainsi formait-on en même temps et son esprit et son cœur : ainsi devenait-il tout à la fois et vertueux et capable : ainsi se mettait-il en état de gouverner.

Commençait-il à se former ? Au lieu des officiers que j’ai nommés, on lui en donnait d’autres, lesquels, avec moins d’autorité, mais avec autant de vigilance examinaient ses actions. Il avait auprès de soi un historien établi exprès, pour faire un mémoire de ses actions pendant le cours de la journée ; un autre l’observait pendant les repas, et l’avertissait sur-le-champ, s’il lui échappait quelque indécence. De plus il y avait une bannière exposée dans un lieu public, où chacun pouvait afficher ce qu’il croyait bon à proposer ; d’un autre côté une table rase où chacun pouvait écrire ce qu’il croyait être à corriger. Et quiconque avait à faire quelque remontrance pressante, n’avait qu’à battre certain tambour ; sur-le-champ on l’écoutait. Au reste tout cela était utile à l’État, sans être fort chagrinant pour le prince. Élevé dès l’enfance dans des écoles de sagesse et de vertu, on n’avait à reprendre en lui rien de honteux ou de grief. Comme il était imbu de longue main des maximes les plus saines et les plus sûres, il prenait comme naturellement en toutes choses le bon parti.

D’ailleurs les cérémonies établies à certaines saisons et à certains jours, cérémonies, dont sous trois fameuses dynasties, l’empereur ne se dispensait jamais, étaient pour lui et pour tout l’empire d’une grande utilité. Les unes enseignaient et inspiraient le respect pour le souverain ; les autres, l’obéissance et la piété envers les parents ; d’autres, la gravité et la bienséance. Il n’y avait pas jusqu’aux moindres observances, qui avaient quelque fin semblable. C’était la coutume, par exemple, que le prince ne vît point mort un animal, qu’il avait coutume de voir vif ; qu’il ne mangeât point des animaux, qu’il aurait entendu se plaindre sous le couteau ; et que pour cela même il évitât d’approcher jamais des cuisines. Or la fin de tout cela était d’entretenir dans le prince, et d’inspirer à tout le monde la bonté, la douceur, et la clémence. On demande comment a tant duré chacune

  1. Gouverneur.