Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/575

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une stérilité s’étende sur deux ou trois cents lieues de pays ; comment y remédier ? Qu’on se jette en même temps sur nos frontières, et qu’il y faille envoyer de grosses armées ; comment les y entretenir ? guerre et famine tout à la fois ; l’empire épuisé et sans réserve.

Ce qui arrive dans ces conjonctures, c’est que les gens hardis et robustes se prévalent de l’occasion, s’assemblent, courent, et pillent où ils peuvent. Les autres vivent quelque temps sur le prix de leurs enfants qu’ils ont vendus, et périssent enfin de misère. Ce ne sont point ici de vaines terreurs. Vous le savez ; les extrémités de l’empire ne sont encore à vous qu’à demi ; il ne faudrait qu’une occasion pour les détacher. Si tout à coup on vous apportait cette effrayante nouvelle, que feriez-vous ? Serait-il temps alors d’y penser ? Croyez-moi, rien n’est plus important que de faire à temps de bonnes réserves : c’est, comme assurer le sort de l’empire. Quand le Trésor est bien fourni, et qu’on a des vivres en abondance, rien ne remue : en tout cas on est en état de se bien défendre, et même de faire des conquêtes sur l’ennemi.

Mais par où il faut commencer, c’est par travailler efficacement à rétablir l’agriculture. Faites autant qu’il se pourra, que vos peuples vivent tous de ce qu’ils recueilleront eux-mêmes ; on voit un nombre infini de gens oisifs, et vagabonds ; combien d’autres s’occupent mal à propos à divers métiers peu nécessaires : faites que tout ce peuple aille cultiver les terres du midi, qui sont en friche : engagez-le à ce travail, c’est le mieux ; mais il faut l’y forcer s’il est nécessaire : cet ordre étant observé, il y aura partout de quoi faire des réserves. Vous pouvez aisément assurer le repos de tout l’empire, en lui procurant l’abondance ; et cependant vous le laissez toujours dans un état si triste et si dangereux ; voilà ce qui m’afflige : c’est par le zèle que j’ai pour votre gloire et pour le repos de l’État que j’ose vous en avertir.


Sur cette pièce l’empereur Cang hi dit : l’essentiel du gouvernement se réduit à instruire et à nourrir les peuples. Quand on voit avec quelle application et avec quel zèle, Kia y s’efforçait en son temps de procurer le bien commun, on ne peut s’empêcher de dire : Voilà ce qui s’appelle un homme vraiment propre à aider un prince.

Une glose dit : en conséquence de ce discours, Ven ti fit publier des déclarations pour animer les peuples à l’agriculture, et fit revivre l’ancien rit de labourer lui-même la terre pour donner l’exemple.