Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/578

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous dire que Kao ti ne recevra[1] plus d’offrande de votre main. Autrefois Tcheou kong fit mourir Koan chou, et mettre en prison Tsai chou pour assurer la dynastie Tcheou. Hoen kong prince de Tsi fit mourir son propre frère pour cause de rébellion. Tsin chi hoang fit mourir deux de ses frères, et relégua bien loin sa mère, pour assurer la paix dans l’empire. Kin vang que Kao ti votre père avait fait vang de Tai défendit mal cet État contre les Hiong nou : Kao ti lui-même le lui ôta. Le vang de Tsi pé s’est avisé de lever des troupes : notre empereur s’en est fait justice. Voilà ce qui se fit autrefois à la cour de Tsi et de Tcheou. Voilà ce que de nos jours ont fait les Tsin et les Han. Et vous, sans faire attention à ces exemples anciens et nouveaux, vous osez vous mesurer avec l’empereur. Cela n’est pas soutenable.

Si vous ne vous corrigez, quoique vous soyez son frère, vous n’en serez pas moins jugé selon les lois. Si la chose en venait là, vous seriez perdu ; vos officiers grands et petits, à commencer par vos ministres, périraient avec vous. Perdre ainsi du moins votre rang et votre État, devenir un objet de compassion pour les gens de la plus basse condition ; voir tous vos officiers dans les supplices ; devenir le sujet des risées de tout l’empire ; enfin déshonorer ainsi votre illustre père ; c’est sans doute à quoi vous n’avez garde de vous résoudre. Hâtez-vous donc de changer. Écrivez respectueusement à l’empereur ; et vous reconnaissant coupable, dites lui : J’ai eu le malheur[2] de perdre mon père dans ma plus tendre jeunesse. Vinrent ensuite les troubles des Liu, qui ont duré quelque temps. Depuis votre avènement à la couronne, cet heureux changement et vos bienfaits m’ont enflé le cœur. Emporté par mon orgueil, j’ai fait des fautes considérables et en grand nombre : en les repassant aujourd’hui dans mon esprit, je suis saisi en même temps de la plus vive douleur et de la plus juste crainte. C’est dans ces sentiments, qu’humblement prosterné par terre, sans oser me relever, j’attends le châtiment que j’ai mérité.

Si vous en usez de la sorte, l’empereur comme empereur se laissera fléchir ; et il aura une vraie joie, comme votre frère, de vous voir rentrer en vous-même. Vous vivrez contents l’un de l’autre, chacun dans le haut rang que vous tenez. Ce que je souhaite, et ce qui vous importe extrêmement, c’est que pesant bien tout ce que j’ai dit, vous preniez incessamment le parti que je vous suggère : car si vous balancez à le faire, la flèche une fois décochée, le moyen de la rappeler ?


Li vang, dit une glose, fut fort mécontent de cette lettre, et n’en profita point : aussi fut-il peu après jugé dans les formes, et envoyé en exil.

  1. On insinue ainsi à Li vang, qu’il pourrait bien perdre la vie. Ce qui suit, montre que c’est le sens.
  2. Le chinois met l’équivalent de cette expression, disant mot à mot : votre sujet a eu le malheur. C’est le terme dont se servent ceux des Chinois qui parlent à l’empereur, et les vang s’en servaient comme les autres.