Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/59

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enfin la sentence ne sera pas encore portée, qu’une infinité de familles seront réduites à une honteuse mendicité.

Concluez de tout ce que je viens de dire, que quand vous auriez une montagne de cuivre et des mines d’or, à peine pourraient-elles fournir à de pareilles dépenses ; et que quand vous auriez un corps de fer, à peine pourriez-vous suffire aux fatigues qu’il vous faudra essuyer.

L’empereur dont la compassion pour son peuple n’a point de bornes, vous défend les procès, et a la bonté de vous donner lui-même des instructions, pour apaiser les troubles, qui pourraient s’élever parmi vous : il veut que vous viviez dans une parfaite union.

Pour y parvenir, respectez la vieillesse, honorez la vertu, ayez pour les riches de la déférence, et de la compassion pour les pauvres ; ne vous mêlez point de relever ce qui ne vous paraît pas dans l’ordre ; il vous vient des soupçons qu’on a voulu vous décrier : ne cherchez point à en tirer vengeance ; vous avez parmi vous des libertins, exhortez-les avec politesse et avec douceur à changer de vie ; dans les corvées publiques, qu’on s’aperçoive de votre union, par l’empressement que vous témoignerez à vous aider les uns les autres.

Voici un autre avis qui n’est pas moins intéressant ; vous êtes dans l’opulence : ne mettez pas votre gloire à faire bonne chère, ni à porter des habits somptueux ; vous avez de l’autorité et du crédit : ne vous en servez jamais pour opprimer des hommes faibles et sans appui. Ce que je vous demande, c’est que vous soyez modestes dans la prospérité, et également actifs et vigilants à remplir vos devoirs ; ce que je souhaite, c’est qu’éloignés de toute ambition, vous sachiez vous contenter de peu, c’est qu’on vous distingue par votre douceur, par votre modération, et surtout par votre économie.

Faites attention à ces années qui viennent de temps en temps, où les maladies populaires, jointes à la cherté des grains, portent partout la désolation ; votre devoir est alors, d’avoir pitié de vos chers concitoyens, et de les soulager de votre superflu.

Ce point mérite toute votre attention : il y va de votre intérêt, car par ce moyen vos laboureurs vous demeureront fidèles, vos campagnes ne seront point abandonnées, vos voisins veilleront à votre conservation, vos intérêts seront ceux du public. D’un autre côté, le Ciel par des voies qui vous sont inconnues, vous protégera, et vous comblera de biens.

Parlons maintenant aux artisans et à tous ceux qui sont employés aux ouvrages mécaniques. Quoique par les lois immuables d’une cause supérieure, ils soient nés dans la pauvreté et dans l’humiliation, leur bonheur consiste à vivre selon leur état, à ne point se chagriner de leur pauvreté, et à ne point envier aux riches leurs richesses.

Cette morale sera pour eux une source de paix et de consolation. Un homme de bien ne manque jamais de prospérer ; la vertu quand elle est solide, ne peut être longtemps dans l’obscurité.

Vous savez maintenant les intentions de l’empereur, c’est à vous à