Dans l’antiquité tout était déterminé sur certaines règles : dans le palais de nos empereurs, les femmes ne passaient point le nombre de neuf. Le nombre des chevaux n’allait qu’à huit. Les murailles étaient propres et bien enduites, mais sans ornements. Le bois en était luisant et poli, mais sans sculpture La même simplicité s’observait dans leurs chariots et dans tous leurs meubles. Leur parc n’avait que quelques lieues d’étendue et l’entrée en était libre à toute sorte de personnes. On leur payait la dîme des terres, c’est tout ce qu’ils en tiraient. Chaque famille fournissait par an trois journées d’homme : il n’y avait point d’autre corvée. Cent lieues de pays faisaient le domaine propre de l’empereur ; du reste il tirait la dîme. Toutes les familles étaient à leur aise ; et par de belles odes on célébrait à l’envi ces temps fortunés.
Dans des temps fort voisins du nôtre, on a vu nos ancêtres Kao tsou, Hiao ouen, et Hiao king, imiter d’assez près l’antiquité. Le nombre de leurs femmes n’était guère que de dix. Les chevaux de leurs écuries ne passaient guère cent. L’empereur Hiao ouen est celui qui a le plus approché de la simplicité antique. Ses habits étaient d’étoffe simple et grossière, sa chaussure de cuir mal passé. Jamais or, argent, ni gravures ne parurent sur ses meubles. Les choses ont bien changé depuis. Non seulement chaque empereur a enchéri en fait de dépenses sur ses prédécesseurs ; mais le luxe a enfin gagné tous les ordres de l’empire. C’est à qui sera le plus magnifiquement vêtu, le plus proprement chaussé, à qui aura la plus belle épée ou le plus beau sabre. Enfin chacun use sans façon de ce qui n’était autrefois le propre que du prince : aussi l’empereur paraît-il pour donner audience, ou sort-il pour quelque cérémonie ? Si l’on ne le connaît d’ailleurs, on a peine à le distinguer. C’est en vérité un grand désordre : et ce qu’il y a de pire encore, c’est qu’on ne s’en aperçoit pas.