Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/634

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aujourd’hui les premiers rangs, l’appuyaient auprès du prince, et en procuraient l’exécution ; je crois qu’ils rendraient à l’État le plus important service qu’on puisse en ce temps-ci attendre d’eux.


Sous la même dynastie, Tsin yu pou ouvrit un grand collège à Pan yang. Il le fit connaître par un écrit ou il en exposait les règles. Il s’y rendit plus de sept cents jeunes étudiants. A la première ouverture des classes, Yu pou leur fit le petit discours qui suit.


Vous voici, jeunes étudiants assemblés en fort grand nombre, tous destinés à remplir un jour les emplois les plus importants, tous dans la fleur de l’âge, et pleins d’une ardeur qui fait plaisir. Aujourd’hui s’ouvre pour vous cette nouvelle académie. Qu’y venez-vous faire ? Vous y venez apprendre sans doute à bien parler, à bien écrire, et particulièrement à bien vivre. Vous y venez jeter les fondements d’une éminente vertu, vous rendre capables de ce qu’il y a de plus grand dans la république ; en un mot étudier sérieusement la véritable sagesse.

Il est important de vous avertir que d’abord ce genre d’étude n’a rien de fort agréable et de fort piquant ; qu’il arrive assez souvent que les commencements se goûtent peu : mais avec le temps, c’est tout autre chose. Différents exercices se succèdent les uns aux autres ; on s’y perfectionne peu à peu, on acquiert chaque jour par la lecture de nouvelles connaissances, on fait soi-même des découvertes, on s’étudie à les approfondir, l’esprit s’ouvre, le cœur se dilate, on sent ce que vaut cette sagesse ; on goûte dans sa recherche un plaisir qui passe tout autre plaisir particulier, et qui les vaut tous ensemble. Enfin l’on est heureusement surpris de se trouver tout changé, sans qu’on se soit presque aperçu comment s’est fait ce changement. Oui la teinture que prend l’esprit et le cœur, en étudiant avec ardeur et avec constance, l’emporte pour la durée, sur les teintures les plus estimées. Celles-ci s’effacent à la longue, ou perdent beaucoup de leur lustre. L’autre n’est point sujette à ce dépérissement, quand elle a été bien prise.

Pour la bien prendre, il faut imiter en quelque chose les teinturiers. Ces artisans commencent par bien préparer l’étoffe qu’ils ont à teindre ; après quoi ils donnent à ce fond les couleurs qu’ils lui destinent. C’est ainsi que tout homme sage en use dans la morale. Au-dedans un cœur pur et droit, au-dehors des actions qui y répondent. Voilà ce qui est essentiel et indispensable : mais chacun peut y donner plus ou moins de lustre, selon les dispositions plus ou moins heureuses qu’il a, et selon son application plus