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prescrivait pour leur réception, afin de ne donner aucun lieu de soupçonner, qu’ils se fussent laissés gagner par des présents. Ils n’eurent même avec les mandarins aucune communication, qu’à mesure qu’ils les citaient les uns après les autres, pour prendre les informations sur l’affaire qu’ils étaient venus examiner. C’est pourquoi sans recevoir ni faire de visite, ils allèrent droit à l’hôtel qui leur avait été préparé, et ils s’y tinrent renfermés, jusqu’à ce qu’ayant cité le viceroi et le contrôleur général, ils commencèrent le procès par des interrogatoires réitérés de ces deux mandarins, qui comparurent plusieurs fois devant leurs juges en posture de criminels.

Le viceroi pendant tout le temps que durèrent les informations, était obligé de quitter tous les matins son palais, pour se rendre dans un lieu près de l’audience, et y demeurer jusqu’à la nuit. En cela il était traité avec plus de distinction que le contrôleur général qui fut obligé pendant tout ce temps-là de s’absenter de son tribunal, et d’être continuellement à la porte de l’audience.

Toutes les boutiques furent fermées dans la ville, et le peuple par ses députés porta ses accusations contre le contrôleur ; elles furent reçues des commissaires, aussi bien que celles qui furent produites par les mandarins. Les informations étant finies, les commissaires les envoyèrent à Peking par un courrier extraordinaire ; après quoi ils reçurent les visites de tous les mandarins, excepté du contrôleur général.


Inspecteurs des provinces.

5° Quoi qu’on ne choisisse pour inspecteur des provinces, que des officiers considérables, et d’une probité connue, il se pourrait faire néanmoins, que quelques-uns abuseraient de leur pouvoir, et seraient tentés de s’enrichir aux dépens des coupables, dont ils dissimuleraient les injustices : c’est pour les tenir sur leur garde, que lorsqu’on s’y attend le moins, l’empereur prend quelquefois le parti de visiter en personne quelques provinces, pour écouter lui-même les justes plaintes que le peuple aurait à faire de ceux qui le gouvernent. Ces sortes de visites, où le prince affecte de se rendre populaire, font trembler les mandarins, dont la conduite est tant soit peu répréhensible.


Cang Hi visite quelques provinces.

En l’année 1689 feu l’empereur Cang hi fit un de ces voyages dans les provinces du midi : il passa par les villes de Sou tcheou, de Yang tcheou, et de Nan king. Il était à cheval, suivi de ses gardes du corps, et d’environ trois mille cavaliers : ce fut ainsi qu’il fit son entrée dans Nan king.

On vint le recevoir avec des étendards, des drapeaux de soie, des dais, des parasols, et d’autres ornements sans nombre : de vingt en vingt pas, on avait élevé dans les rues des arcs de triomphe, revêtus des plus belles étoffes, et ornés de festons, de rubans, de houppes de soie, sous lesquels il passait. Les rues étaient bordées d’un peuple infini, mais dans un si grand respect, dans un silence si profond, qu’on n’entendait pas le moindre bruit.

Il coucha dans sa barque à Yang tcheou, et le lendemain il fit son entrée à cheval : les rues étaient tapissées : il demanda si les mandarins leur en avaient donné l’ordre : les habitants répondirent que non, et que c’était de leur