Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/649

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n’étaient-ils pas eux-mêmes en leur espèce de vrais Kiling ? Quand je considère ensuite Kié et Tcheou, il me semble voir dans leurs règnes ces années tristes et malheureuses que le dérèglement des saisons rend stériles et funestes. Ces années ont coutume de produire quantité d’insectes nuisibles, et même de monstres affreux et cruels. Hélas ces deux méchants princes Kié et Tcheou n’étaient-ils pas eux-mêmes des monstres ? Que je trouve d’instruction pour moi dans la considération de ces deux contrastes. Je sais ce qu’on dit, que Tien a des temps plus ou moins favorables pour les États. Cela est vrai mais leur bonheur ou leur malheur ne laisse pas de dépendre aussi de la conduite des hommes. N’y eût-il pas sous Tching tang une sécheresse de sept ans ? Ce prince se coupant les ongles, s’offrit lui-même pour victime. Il plut aussitôt cent lieues à la ronde. Du temps d’un empereur, on vit croître subitement dans le palais des mûriers. Ce prince frappé de ce prodige, qu’on lui interpréta comme effrayant, s’appliqua solidement à la vertu : au lieu des malheurs dont on l’avait menacé, il vit venir à sa cour les ambassadeurs de seize princes pour lui rendre hommage. Qui oserait dire après cela que ce n’est pas l’affaire des princes de procurer le bien des États ?

Régner est une chose bien difficile, disent les uns : c’est une chose bien aisée, disent les autres. Ceux-ci, pour prouver leur sentiment, disent : la dignité d’empereur élève un prince au-dessus du reste des hommes : il a un pouvoir absolu : les récompenses et les châtiments sont en sa main : non seulement il possède les richesses de tout l’empire, mais il se sert à son gré des forces et des talents de tous ses sujets. Que peut-il donc souhaiter qu’il n’obtienne ? Que peut-il entreprendre qu’il n’exécute ?

Ceux qui sont d’un avis contraire, raisonnent autrement. Le prince, disent-ils, vient-il à manquer de respect pour Tien ti ? Viennent des prodiges, naissent des monstres. Outrage-t-il les esprits ? Souvent une mort funeste l’en punit, comme on le vit dans Vou y et dans Tcheou. S’il veut se satisfaire en quelque chose, par exemple, en faisant venir de loin des choses rares et de grand prix, en faisant de vastes parcs, de beaux étangs, de grands bâtiments, de hautes terrasses, il faut pour cela charger les peuples au moins de corvées, et l’agriculture en souffre. De là les disettes et les famines. Les peuples gémissent, murmurent, succombent. Si le prince y est insensible, et néglige d’y remédier, il est regardé comme un tyran né pour affliger les peuples, et non pour les gouverner. Il est l’objet de l’exécration publique. Qu’y a-t-il de plus à craindre ? Or tout prince qui a soin de sa réputation, doit conséquemment être attentif à diminuer autant qu’il est possible les impôts, à éviter tout ce qui peut surcharger les peuples, et à procurer leur bonheur et leur tranquillité. Mais il ne peut faire tout cela qu’en se refusant beaucoup à soi-même, et en réprimant ses inclinations les plus naturelles : c’est déjà une chose assez difficile.

Une autre difficulté encore plus grande est de bien choisir les gens qu’il met en place, et d’employer chacun selon son talent. Tel que le prince