Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/654

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les reines, comme dans un vallon glacé. Je passe souvent les nuits entières sans dormir. Je me lève avant le jour. Toutes mes pensées et toutes mes paroles tendent à répondre de mon mieux aux bontés de Tien[1], et aux intentions de mon père. C’est pour y réussir, que plein de compassion, même pour ceux qui font des fautes, je veux régler de nouveau les punitions, prévenir et soulager les misères des peuples, punir et réprimer ceux qui les vexent ; approcher de ma personne, et mettre dans les emplois les gens de vertu et de mérite, ouvrir le chemin large aux remontrances, ôter toute crainte à quiconque m’en voudra donner, afin d’acquérir, s’il se peut, à chaque moment de nouvelles connaissances.

Mon attention à tout cela est si continuelle, que je ne me permets pas un jour de relâche. Mon grand désir serait que tout fut dans l’ordre ; que tous mes sujets suivissent en tout la raison, et fussent solidement vertueux. Aussi quand je vois quelque chose hors de sa place, et quelqu’un de mes sujets vicieux, je m’en prends d’abord à moi-même, et au peu de talent que j’ai pour le bien instruire, et pour le corriger efficacement. C’est avec raison que je le fais. Car enfin le Chu king dit : la vertu, quand elle est tout à fait sincère et solide, touche Chin[2], que ne pourra-t-elle point sur les peuples ? On me rapporte de divers endroits, que les peuples rentrent dans le devoir, que les vols deviennent rares, et que les prisons de plusieurs villes se trouvent vides. J’apprends ces nouvelles avec plaisir mais je n’ai garde de l’attribuer à mes soins et à mes exemples. Voici les réflexions que je fais : on est las, me dis-je à moi-même, des troubles et des rapines ; on se remet dans le chemin de la vertu : il faut tâcher de profiter de ces heureuses dispositions pour convertir tout l’empire. Mes expéditions militaires m’ont fait parcourir une bonne partie des provinces. Chaque village que je trouvais, je soupirais en me frappant la poitrine, sur la misère des pauvres peuples. Instruit par mes propres yeux, je ne permets pas qu’on occupe même un seul homme à des corvées inutiles. Je travaille de mon mieux à mettre à l’aise tous mes sujets, afin que les parents soient plus en état de bien élever leurs enfants, et que les enfants à leur tour, s’acquittent mieux de tous leurs devoirs à l’égard de leurs parents, et qu’avec la vertu Hiao toutes les autres vertus fleurissent.

Pour faire connaître à tout l’empire que je n’ai rien de plus à cœur, en publiant cette ordonnance, qu’on donne dans chaque district en mon nom et de ma part à ceux qui se distinguent par leur Hiao, cinq charges de riz ; à quiconque passe quatre-vingts ans, deux charges ; aux nonagénaires, trois ; autant à ceux qui ont cent ans, y ajoutant deux pièces d’étoffes. De plus, à commencer depuis la première lune, qu’on donne une charge de riz à chaque femme qui enfantera un fils. Pour ceux que les malheurs des temps ont

  1. Le chinois dit : au cœur de Tien.
  2. Chin signifie esprit. Ailleurs j’ai traduit les esprits ; qu’on les mette ici s’il on veut. Mais ici et ailleurs le texte ne détermine ordinairement ni pluriel, ni singulier.