Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/680

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Déclaration de l’empereur Te tsong, dressée par Lou tché.


Un prince n’a point de meilleurs moyens pour bien gouverner, et pour faire régner la vertu dans son empire, qu’une bonté sincère pour ses sujets, un généreux oubli de soi-même en leur faveur, un soin continuel de corriger ses défauts, de réparer les fautes qui lui échappent, et de tendre à la perfection. Depuis que je suis sur le trône, où le droit de succession m’a placé, ce n’a presque été que troubles. Ces troubles m’ont obligé de négliger quelquefois jusqu’aux cérémonies ordinaires à l’égard de mes ancêtres, et m’ont tellement occupé l’esprit, que je n’ai point pensé, comme je le devais, à acquérir la vertu. Passant et repassant sans cesse avec douleur sur ces premières années de mon règne, que j’ai si mal employées, il est temps, me dis-je à moi-même, il est temps de commencer à les réparer, en reconnaissant publiquement que je les ai perdues, en exposant sans déguisement, les tristes effets de ma mauvaise conduite, et en témoignant un désir sincère d’en tenir une meilleure à l’avenir.

Mes ancêtres, ces illustres fondateurs de notre dynastie Tang, après avoir par leur valeur et par leur vertu délivré les peuples de l’oppression, et rendu la paix à tout l’empire, y établirent un ordre admirable. Ils y furent aidés par un grand nombre de bons officiers de tous les rangs, dont ils savaient sagement animer le zèle, et récompenser les services. Les choses mises sur un si bon pied, s’y sont maintenues ; et voici[1] qu’au bout de deux cents ans, vous succédez à vos ancêtres dans les emplois, et moi je succède au trône de mon père. Depuis que je suis monté, ma plus grande crainte a été de répondre mal à leur sagesse et à leur vertu, et j’ai toujours résolu de faire mes efforts pour les imiter. Mais élevé par des femmes dans l’intérieur du palais jusqu’à une jeunesse assez avancée, je me suis ressenti jusqu’ici d’une éducation si peu propre à former un prince. Aveugle en matière de gouvernement, j’ai pris possession d’un empire paisible ; mais je n’ai point su prévenir ce qui le pouvait troubler. Peu instruit des peines des laboureurs, peu attentif à ce que souffrent les gens de guerre, je n’ai fait sentir ni aux uns ni aux autres, comme il fallait, les effets de mes bontés. Je leur ai laissé par là le droit de douter de ma tendresse, et leur ai donné sujet de me payer d’indifférence. De plus, au lieu de m’occuper à reconnaître et à combatte mes défauts, j’ai entrepris légèrement des guerres inutiles. Ce n’a été que marches de troupes, que recrues, et que convois. J’ai augmenté les droits ordinaires. Ici l’on a exigé des chariots, là des chevaux. Il n’est point de province dans tout l’empire, qui n’ait souffert

  1. Il adresse son discours aux grands officiers.