Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/688

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En quel sens, dit-on, que du trouble naît le bon ordre ? C’est que les embarras réveillent et excitent l’attention, qu’ils inspirent la vigilance, et donnent occasion aux gens de mérite de faire usage de leurs talents.

Pour faire une juste application de tout ceci, il faudrait faire une longue exposition des défauts et des désordres, qui sont la source des maux présents. Cela n’est point nécessaire. Ce que j’en ai indiqué au commencement de ce discours, suffit pour V. M. A quoi il faut penser, c’est à vérifier encore aujourd’hui, que du trouble même peut naître enfin le bon ordre. Il y a moyen pour y réussir. Point de rigueur, beaucoup de vertu. Voilà le secret, je n’en sais point d’autre. Dans des extrémités semblables à celles où sont aujourd’hui les choses, celui qui suit cette voie, se soutient et se relève : celui qui l’abandonne se perd. Il n’y a entre ces extrémités aucun milieu qui ne soit dangereux. Pensez-y sérieusement. Préférer à vos vues particulières le sentiment général, suivre la raison pour guide et non votre inclination, éloigner de vous ces flatteurs encore plus intéressés que diserts, employer des gens d’un vrai zèle, bannir le déguisement et l’artifice de votre cour et de vos Conseils, y faire régner la sincérité et la droiture, en donner vous même l’exemple. Voilà la grande route. Elle est aisée à reconnaître ; on ne peut pas s’y méprendre. Il n’est pas besoin pour y marcher avec succès, d’épuiser vos esprits. Il ne faut qu’un peu de résolution et de constance à ne vous en point détourner. Moyennant cela, j’ose assurer que vous n’avez rien à craindre, ni de vos sujets, ni des fatales révolutions, auxquels vous semblez attribuer les maux présents, et que votre règne sera des plus heureux.


Le même empereur Te tsong parlant un jour à Lou tché, lui dit :

Vous m’aviez ci-devant représenté que le prince ne faisant qu’un corps avec ses sujets, surtout avec les officiers qu’il emploie, il ne devait point y avoir entr’eux de défiances, de soupçons, de réserve, qu’ainsi le prince devait avoir et faire sentir une disposition sincère à profiter des avis de toute sorte de personnes. Je l’ai fait. Qu’est-il arrivé ? Je ne sais combien de discoureurs en abusent. Ils font trafic de leur éloquence, et semblent vouloir à ce prix acheter le droit d’être redoutables. Il faut bon gré mal gré que j’aie tort, et que ces messieurs se fassent valoir à mes dépens. Vous voyez que depuis quelque temps je laisse tomber les remontrances, sans me déclarer sur ce qu’elles contiennent. Ce n’est point que par indolence je me relâche dans le soin des affaires de mon État. La raison de mon silence est