Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/699

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Yuen tching étant un des censeurs par office, présenta à l’empereur, le discours suivant.


Nos anciens rois, en établissant pour le bien commun différents emplois, prétendaient que chacun s’acquitterait du sien avec exactitude et fidélité et que ceux qui y manqueraient en seraient privés et punis, même de mort. Aujourd’hui, parmi tous les officiers de votre empire, nous autres censeurs sommes sans contredit ceux qui occupent le plus vainement quelques places à votre cour, et qui touchons le plus gratuitement nos appointements. Il n’en était pas de même sous Tai tsong. Ce prince, l’honneur de votre maison, avait pour censeurs Ouang kouei et Oei tching. Il les avait presque toujours près de sa personne, même dans ses temps de relâche. Il les employait si fort, qu’il ne formait aucune entreprise, et ne donnait aucun ordre, sans avoir pris leur avis. Aussi de quoi n’était pas capable la pénétration de ce prince, aidé des lumières de ces deux grands hommes ? Rien de mieux concerté que les desseins qu’on prenait sous ce glorieux règne. Rien de mieux conçu que les déclarations et les ordonnances qu’on publiait. Tai tsong en usant de la sorte avec les censeurs, craignait encore de faire trop peu. Les trois premiers ordres s’assemblaient-ils pour quelque importante délibération sur les affaires de la guerre ? Il voulait qu’un des censeurs y assistât, et lui en fit son rapport. Les grands officiers qui par le rang qu’ils tiennent, sont comme les yeux, les oreilles, et les bras du souverain, avaient alors dans Tai tsong non seulement un chef attentif, mais un bon père, qui les attachait à sa personne par une tendresse bienfaisante, et qui les animait à son service par une confiance parfaite. Comme on rejetait avec liberté dans les conseils, ce qui se proposait de mauvais, vînt-il du prince, on y embrassait avec ardeur tout ce qui s’y proposait de bon. Le succès par là était si sûr, qu’en moins de quatre ans on vit un ordre admirable dans tout l’empire ; et les chefs de ces barbares nos voisins vinrent eux-mêmes avec leurs armes faire escorte à notre empereur. Quelle était la cause d’un si grand et si prompt succès ? Était-ce la force des armes ? Non. C’était l’accès que donnait le prince, la manière dont il recevait les conseils et le zèle de ses officiers, particulièrement de ses censeurs à lui en donner de bons.

Dans les temps où nous sommes, que les choses ont bien changé à cet égard ! Toute la fonction des censeurs se réduit presque aujourd’hui à paraître dans leur rang en certaines cérémonies. Cependant quel est le devoir de leur charge dans son établissement ? C’est d’observer avec soin le prince, et ce qui peut lui échapper, soit dans sa conduite personnelle, soit dans son gouvernement, pour y suppléer par leurs avis. C’est de proposer