Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/705

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Remontrance de Yun tchu à son empereur, sur trois défauts qu’il lui trouvait.


Ven ti, un des Han, était un prince d’une vertu singulière. Kia y trouvait cependant de quoi gémir sur le gouvernement d’alors. Vou ti un de ses successeurs avait réduit et maintenait dans la soumission tous les barbares ses voisins. Sin lo et Yen ngan ne laissaient pas de lui inculquer dans leurs remontrances la ruine de Tsin, comme s’il avait eu à craindre un sort semblable. Ces deux grands princes, bien loin de s’irriter, prirent très bien ces avis. Aussi l’empire se conserva-t-il dans leur race pendant plus de dix générations sans interruption. Eul chi, fils et successeur de Chi hoang, second et dernier empereur des Tsin ; Tang ti second et dernier empereur des Souy, en usèrent tout autrement. Aussi périrent-ils en très peu de temps. Je suis fort éloigné de vouloir comparer à ces deux derniers un prince aussi débonnaire et aussi vertueux que vous. Mais je vous prie aussi d’examiner combien il s’en faut que les choses ne soient aujourd’hui sur un aussi bon pied que sous Ven ti et sous Vou ti. A l’occident est une nation alors soumise, aujourd’hui jalouse. Au nord sont des ennemis fort puissants. Les uns et les autres sont attentifs à ce qui se passe dans l’empire, et prêts à profiter du trouble, s’il y naissait. Ainsi malgré la paix dont jouit actuellement votre empire, votre Majesté a de quoi craindre, et ne peut être trop attentive à fermer toute avenue aux moindres désordres.

Outre le soin de veiller sur vos frontières, et d’ouvrir la porte aux avis, ce que je ne puis assez vous recommander, mon zèle pour votre gloire et le bien commun, m’oblige à vous représenter trois choses. En premier lieu, vous êtes inconstant dans votre gouvernement. Vos édits changent souvent. En second lieu, assez souvent vous placez mal vos faveurs, et vous ne faites pas un assez bon choix des gens que vous employez et que vous accréditez. En troisième lieu, vous excédez en gratifications, et elles sont communément assez mal placées. Rien de plus facile à votre Majesté, que d’éviter ces trois défauts. Cela dépend d’elle uniquement ; elle n’a qu’à le bien vouloir ; je l’y exhorte, d’autant plus qu’il me paraît qu’à la longue ils peuvent avoir de fâcheuses suites.

Disons un mot de chacun. Sur quoi compteront les peuples, si ce n’est sur les paroles, et surtout sur les édits de leur souverain. Anciennement, quand il en paraissait quelqu’un, chacun courait avec empressement pour le lire, ou pour l’entendre. Aujourd’hui ce n’est plus la même chose. On les reçoit fort froidement. Chacun dit, quand on lui en parle, cela n’est pas à demeure ; on ne peut compter sur cet édit ; bientôt en viendra un autre différent, et peut-être tout contraire. Voilà comme on parle. Cette