Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/725

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V. M. voulait bien faire quelque réflexion sur le morceau d’histoire que je viens de lui rappeler, elle en conclurait ce me semble, assez naturellement, quel est le zèle et le courage de Tang kiai et de ses collègues. De ces cinq censeurs récemment cassés, il n’y avait que Liu hoei qui fût nouveau dans l’emploi. Les quatre autres y étaient depuis longtemps, Tang kiai pour une affaire semblable a été relégué dans le Quang si, où il serait mort, si V. M. en lui permettant de changer d’air, ne lui avait rendu la vie. Fan se tao et Tchao pien ayant eu déjà une fois le même sort, ont passé plusieurs années dans de simples magistratures. Tous trois ont été rétablis dans leur emploi. Tous trois se souvenaient de leur disgrâce passée, et voyaient bien qu’en attaquant Tchin kieou, ils avaient encore plus à craindre. Rien de tout cela ne les arrête. Le devoir leur dit qu’il faut parler ; ils le font avec courage. Voilà certainement ce qu’on appelle des sujets fidèles, toujours semblables à eux-mêmes, et d’une fermeté à toute épreuve. Leur collègue Ouang tao était un pauvre lettré, sans biens, sans appui. Han kiang l’ayant connu par hasard, lui trouva un vrai mérite. Il se fit son protecteur, et le produisit pour être censeur. Bientôt Han kiang devenu Tchong tching tenta des choses contraires au bien de l’État. Ouang tao s’y opposa avec vigueur, et soutint si bien les intérêts de l’État contre les artifices et la cupidité de Han kiang, que celui-ci ne changeant point de conduite, fut enfin publiquement jugé coupable, et sévèrement puni. On sait combien il est naturel d’avoir des égards pour ses bienfaiteurs, de les soutenir dans les occasions, ou du moins de les épargner ; préférer son devoir à tous ces égards, comme a fait Ouang tao, et faire céder au bien commun les sentiments d’une reconnaissance personnelle et particulière ; ce ne peut être que l’effet d’une droiture et d’une équité non commune. Voilà, prince, voilà quels sont les quatre censeurs récemment cassés. Je ne flatte point leur portrait : chacun les y reconnaîtra sans peine.

Est-il à présumer que des gens de ce caractère, quand on supposerait qu’ils se sont trompés, aient eu, en attaquant Tchin kieou, d’autre motif que leur devoir, et d’autres vues que le bien public ? Quelqu’un peut-être, pour les rendre odieux, les aura représentés comme des frondeurs et des gens de cabale secrètement ligués entre eux pour inquiéter les grands officiers, et se rendre redoutables. Mais sur quoi fonder cette accusation ? Un fait tout récent et très connu ne la détruit que trop. L’année dernière Han kiang déféra Fou pi ministre d’État. Vit-on Tang kiai et Fan se tao profiter de l’occasion, et se joindre au délateur ? Au contraire eux et leurs collègues, avec leur équité ordinaire, firent sentir à Votre Majesté, et à tout l’empire les artifices de l’agresseur et l’innocence de l’accusé. Où est donc la prétendue ligue et le prétendu complot des censeurs ? Non, prince, un soupçon de cette nature ne peut tomber sur des gens de caractère : aussi paraît-il que Votre Majesté n’y a pas donné une entière créance. Elle les aurait autrement traités en leur ôtant le rang qu’ils avaient, elle n’a pu se résoudre à les laisser sans emploi. Elle a confié à chacun d’eux des postes assez importants. On a senti que c’était avec regret qu’on les