Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/730

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étant mort, le roi nomma peu après le fils Ko pour général de ses troupes. La mère demanda audience, et représenta au roi ce qu’elle avait souvent ouï dire à feu son mari. Mais le roi n’y eut point d’égard. Voilà donc Ko général. Il attaque l’armée de Tsin ; il perd la bataille et la vie. Et conséquemment à sa défaite, plus de quatre cent mille sujets de Tchao se rendirent à Tsin.

Tsin chi hoang voulant subjuguer le pays de King, demanda à un officier de guerre nommé Li sin, combien il faudrait pour cela de troupes. Li sin était brave et jeune. Il répondit que c’était assez de deux cent mille hommes. Cette réponse plut fort à Chi hoang. Cependant rencontrant Ouang tsien ancien général, il lui demanda son sentiment. Celui-ci répondit qu’il fallait six cent mille hommes, sans quoi l’entreprise n’était pas sûre. Chi hoang chagrin de cette réponse : vous êtes vieux, dit-il à Ouang tsien, votre âge vous rend timide. Aussitôt il nomme Li sin, pour commander son armée, et lui donne deux cent mille hommes, avec ordre de réduire King. Ouang tsien prend congé du prince sur-le-champ, et se retire à Pin yang. Peu après Li sin fut battu, laissa prendre à l’ennemi sept grandes villes, et s’en revint fort honteux. Chi hoang reconnaissant sa faute, va lui-même en personne à Pin yang faire des excuses à Ouang tsien, et le presser de vouloir bien commander ses troupes contre King. Je vous l’ai dit, répondit Ouang tsien ; je vous le répète ; il me faut six cent mille hommes. Chi hoang promit de les lui fournir. Quand ces troupes furent assemblées, Ouang tsien marcha contre King, et en fit heureusement la conquête. Ces traits d’histoire rendent sensible ce que j’ai dit de certains cas embarrassants pour un prince. Car enfin comment faire ? Un officier fait des propositions très raisonnables : il indique des expédients : il répond aux difficultés. Tout ce qu’il dit, paraît aussi faisable qu’avantageux. Voilà Tchao ko et Li sin : n’était-il pas sage de les employer ? Cependant ils perdirent tout. Un autre propose des conditions très difficiles, et comme impossibles : n’est-il pas naturel qu’on le laisse là ? Voilà Ouang tsien. Cependant il fallut y revenir, ou renoncer au succès. Dans des cas de cette nature, écouter tout ce que chacun propose, en user sainement, et prendre toujours le bon parti ; c’est que j’appelle difficile.

Au reste si Chi hoang et le prince de Tchao en prirent un mauvais, une chose, à mon sens, y contribua fort. Les vieux et anciens généraux, bien loin de se dissimuler à eux-mêmes, ou à leur maître, les difficultés d’une entreprise, voulant s’assurer du succès, les supposent encore plus grandes, qu’elles ne le sont peut-être en effet. Cela ne plaît pas aux princes, qui voudraient ne point trouver d’obstacles à leurs désirs. Au contraire il est ordinaire aux officiers encore jeunes, et nouvellement avancés, de chercher, pour se faire valoir, à l’emporter sur les autres. Ils ont du feu et de la bravoure : ils s’y laissent emporter, et tout leur paraît favorable. Cela est communément du goût des princes, particulièrement de ceux qui ambitionnent le nom de conquérants. Ils écoutent avec plaisir, et croient