Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/731

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avec facilité un officier, qui à peu de frais se charge du succès d’une entreprise qu’ils ont à cœur. Cela n’est que trop ordinaire aux princes, et les deux dont j’ai parlé, firent cette faute, qui leur coûta cher. Celle que fit le prince de Tchao fut après tout plus considérable : aussi ne put-il s’en relever.

Un historien dit qu’avant Ko, c’était Lien po qui commandait les troupes de Tchao contre Tsin. Tsin, qui craignait ce vieux général, usa de ruse pour le faire changer. Il fit courir le bruit qu’il redoutait Ko, et que pourvu qu’il n’eût point à faire à lui, il se tenait sûr de la victoire. Il eut soin que cela se passât comme en secret jusqu’à la cour de Tchao. Ce prince y fut pris, et malgré bien des remontrances, il nomma Ko son général. Hélas ce Ko n’était dans le fond qu’un beau parleur. Son père, qui le connaissait, le jugeait incapable de commander. Sa mère en avertit le prince. Tous les officiers en jugeaient de même. Jusque chez les ennemis il était connu pour tel. Son prince seul, à qui il importait le plus d’y faire attention, eut toujours sur cela les yeux fermés, et courut, malgré tout le monde, à sa propre perte. Faute énorme, mais faute cependant dont on a vu depuis ce temps-là une infinité d’exemples.

Tai tsong second empereur de la dynastie Tang élargit une fois sur leur parole trois cents criminels, en leur marquant un terme pour revenir. Ils revinrent en effet au temps marqué, et quoiqu’ils eussent tous mérité la mort, Tai tsong leur pardonna. Ngeou yang heou qui a écrit l’histoire des Tang, a fait sur ce sujet une courte dissertation critique, qu’on a insérée dans le recueil d’où l’on tire ces pièces. La voici.

Une bonne foi à l’épreuve, et une équité généreuse, sont des vertus propres de gens d’honneur et de gens de bien ; ces vertus leur sont plus chères que la vie. Pour ce qui est des méchants, ils craignent les châtiments, et c’est tout. Aussi les châtiments doivent-ils être leur partage, surtout si ce sont des hommes, qui par leur méchanceté se soient déjà rendus coupables de mort. Je trouve dans les mémoires de la dynastie Tang, que la sixième année du règne de Tai tsong, on élargit pour un temps sur leur parole plus de trois cents de ces coupables, et qu’on leur permit d’aller chacun chez soi, à condition qu’à certain temps ils se représenteraient d’eux-mêmes. En user ainsi, qu’est-ce autre chose, que se promettre des plus méchants, une bonne foi et une générosité, qui coûte aux plus sages et aux plus vertueux ? Cependant ces criminels élargis se présentèrent tous au temps marqué. Aucun ne se fit attendre. Est-ce donc que ce qui coûte à l’homme le plus vertueux de tenir sa parole, même au péril de sa vie, se trouva tout à coup à la portée d’un si grand nombre de méchants hommes ? Il n’est pas naturel de le penser.

On dira peut-être que la bonté qu’eut Tai tsong de les élargir pour un temps, eut la force de changer ces trois cents personnes, et que la reconnaissance a un grand pouvoir sur les esprits. A cela je réponds : Je vois fort bien que Tai tsong eut en vue de faire penser et parler ainsi. Mais qui sait,