Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/734

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dos, sans seulement le regarder, et prit la fuite. Ngai kong le fit suivre : on le prit, et on l’amena au prince : mais il y vint lié, et malgré lui, ce ne fut pas de lui-même.

Confucius rapportant ce fait dans son Tchun tsiou, l’exprime en quatre mots, qui contiennent deux traits de satire. Il dit : chassant à l’occident il prit un ki ling. Quand nos historiens parlent de chasse, ils marquent en particulier l’endroit. Partout ailleurs dans le Tchun tsiou, Confucius garde exactement cette méthode. Dans cet endroit il use d’une expression vague, à l’occident, pour faire entendre que Ngai kong excédait, qu’il ne bornait pas sa chasse à tel ou tel endroit, selon la coutume, mais qu’il courait un vaste pays. Confucius ajoute : il prit un ki ling. C’est un animal très rare, et qu’il est difficile de rencontrer. Confucius veut noter par là l’insatiable cupidité de Ngai kong qui épuisait tout, et à laquelle les repaires les plus cachés des animaux les plus sauvages, n’échappaient pas. Cet endroit de Tchun tsiou est réellement, comme j’ai dit, une censure ingénieuse de la conduite de Ngai kong.

Mais après la mort de Confucius, les superstitions ont peu à peu gagné. On a fait du ki ling un présage heureux pour les princes. Mille contes apocryphes ont couru en conséquence, et ont fait valoir cette fausse idée. Sous Chun parut un fong hoang[1]. Comme ce fut un très sage et très vertueux prince, et que son règne fut très heureux, encore eût-il pu paraître alors supportable, de reconnaître dans le fong hoang, ce qu’on appelle heureux présages. Mais depuis qu’on a vu le fong hoang paraître dans les plus tristes et les plus malheureux temps, il n’y a pas le plus petit fondement à dire, que l’apparition de cet oiseau ait jamais été ce qu’on appelle un bon augure. Il y en a aussi peu pour le ki ling. Car enfin, sous nos plus grands princes Yao, Chun, Yu, Tang, Ven, Vou, Tcheou kong jamais il ne parut de ki ling. L’antiquité n’en parle qu’une fois, et c’est justement dans des temps de troubles : sur quoi donc peut-on fonder l’opinion que je réfute ?

On nous donne aussi la tortue pour un favorable augure. Pour moi, je sais que c’est un animal bleuâtre, qu’il n’est pas rare de rencontrer dans nos rivières, et qu’on voit assez souvent même dans la boue ; et quand cet animal est mort, on en retire de l’utilité. Je sais que les pou koan[2] en font cas ; que Tai dans son livre des rits met la tortue vivante au nombre des bons augures ; que, selon ce livre, la vertu du prince est éminente, quand elle fait venir les tortues dans les rivières de son palais : mais je sais aussi que ce livre est une méchante compilation, où l’on a pris de tous côtés, dans un grand choix ; et qu’il y a bien du mauvais. Reste à parler de ce qu’on nomme tsou yu. J’avoue que j’ignore ce que c’est, et si l’on doit par ces

  1. Il y a cependant, outre le Tchun tsiou qu’on cite ici, une ode du Chi king qui a pour titre, les vestiges du ki ling. Mais on ne dit pas qu’il parut.
  2. Nom d’office ou de profession. Pou, signifie consulter par la divination ou autrement pour le choix d’un jour, le succès d’une affaire, etc.