Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/747

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digne successeur de Yao. Yu sut faire écouler les eaux, et rendre les terres propres à la culture. Voilà ce qui le rendit célèbre et ce qui le fit successeur de Chun. Une charité non commune fit prospérer Tching tang ; la vertu comme héréditaire pendant plusieurs générations dans la famille Tcheou, la conduisit sur le trône. Peut-on nier que ces empereurs indépendamment de ce qu’on appelle bons augures, aient été de très sages princes, qui ont heureusement régné ? D’autre part Kouei[1] se perdit par un faste énorme et par des dépenses insensées : Sin[2], par une cruauté tyrannique ; Li vang, par ses exactions, Yeou vang[3] par ses voluptés, se rendirent odieux et méprisables. Indépendamment de tout prodige, et de tout ce qu’on appelle mauvais présages, ces empereurs ont toujours passé, et passeront toujours avec justice pour des princes sans lumières, et leurs règnes pleins de troubles et de désordres, seront toujours regardés avec horreur.

On dit que du temps de Chang, sous le règne de Kao tsong, on vit naître d’eux-mêmes des mûriers et du riz dans le palais ; qu’on interpréta ce prodige en mauvaise part ; et que chacun en fut effrayé. Cependant cet empereur releva sa dynastie, qui tombait en décadence. Sous King kong prince de Song, on vit, dirent les astrologues, deux constellations se mêler. Tout effrayant qu’on estimât ce phénomène, ce fut à King kong que les États de Song durent leur repos et leur sûreté. Preuve que quand un prince a la sagesse et la vertu que demande le rang qu’il tient, ces monstrueux événements ne lui peuvent nuire. Ngai kong roi de Lou prit une licorne[4]. Malgré ce prétendu bon augure ce prince chassé de ses États fut obligé de se retirer dans le royaume de Ouei[5]. Sous Ping ti, on avait entendu, disait-on, chanter les fong hoang[6] : on se promettait merveille. Vang puen usurpa le trône et interrompit la dynastie Han. Preuve que si le prince est sans lumières et sans vertu, il se flatte en vain de ce qu’on appelle heureux présages.

Il est vrai que Confucius dans le Tchun tsiou a marqué les éclipses de soleil, les tremblements de terre, les écroulements de montagnes, les chutes d’étoiles, la naissance et les changements de certains insectes. Mais ce n’était pas qu’il aimât à recueillir des choses extraordinaires, et à en grossir son livre : son dessein était de porter les princes à rentrer en eux-mêmes à la vue de ces prodiges, et de les exciter, du moins par la crainte, à se corriger de leurs vices, à cultiver la vertu, et à rétablir le bon ordre dans l’empire. Du reste, afin qu’on ne pût le soupçonner de faire dépendre de ces événements, le bonheur ou le malheur des États, les bons ou mauvais succès

  1. Le dernier empereur de la dynastie Hia, on le nomme communément Kié.
  2. Le dernier empereur de la dynastie Chang ou Yng. On le nomme ordinairement Tcheou.
  3. Deux méchants princes de la dynastie nommée Tcheou, sous qui elle déchut fort.
  4. 'Le chinois dit Ki ling.
  5. Nom de royaume.
  6. Oiseaux fameux et peut-être fabuleux. Quelques Européens traduisent aigles.