Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/770

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mariages, devant et après les funérailles. Cela s’est négligé dans la suite ; et voilà pourquoi les peuples en sont venus à ne rougir plus de rien. Ainsi parlent communément nos lettrés. Mais moi, je remarque que dans de différents temps depuis nos fameuses dynasties, des gens de mérite et de vertu, soutenus de l’autorité des princes, ont relevé ces écoles, rétabli ces exercices, remis ces rits en vigueur. Si donc cela suffisait pour la conversion des peuples, on aurait dû voir revivre les mœurs de l’antiquité. Or on a vu tout au contraire, que les peuples en devenant plus polis, devenaient aussi assez souvent plus méchants, plus artificieux, plus trompeurs, plus jaloux, plus orgueilleux.

Cela me fait dire, tout peu éclairé que je suis, que ceux de nos lettrés qui parlent ainsi aiment l’antiquité sans la bien connaître, qu’ils n’en ont pas pénétré le grand secret, qu’ils savent en général que l’antiquité avait une excellente méthode pour rendre les peuples vertueux en les instruisant, mais que ne distinguant pas ce qu’il y avait de plus efficace, et ce qui en faisait le fond, ils s’arrêtent à de beaux noms, ou tout au plus à de beaux dehors. Ils sont utiles ces dehors : sans eux les vertus, qui sont ce qu’il y a de solide, ont peine à se conserver longtemps. Mais si le prince et ceux qui gouvernent, se bornent à ces seules apparences, les flatteurs et quelques lettrés superficiels diront qu’on voit revivre l’antiquité, mais réellement il ne se fera aucun changement dans les mœurs ; et ce beau nom de restaurateur de l’antiquité ne pourra se soutenir.

Vou vang ne fut pas plus tôt devenu empereur, qu’il fit aux peuples de grandes largesses d’argent et de grain. Par là il fit connaître à tout l’empire qu’il était exempt de cupidité. Il traita avec beaucoup d’honneur les gens de mérite et de vertu : par là il fit voir qu’il n’avait ni orgueil, ni fierté. Il donna dès principautés aux descendants des anciens princes. En cela sa bonté éclata. Il fit mourir Fei lien et Ngo lai. En cela parut sa justice. C’est ainsi qu’il faut s’y prendre. Voilà par où il faut commencer, quand on veut travailler avec succès à former, ou à réformer les mœurs des peuples. Tout le monde fut d’autant plus charmé de la conduite de Vou vang, que sous Tcheou son prédécesseur, on n’avait rien vu que de très contraire. Cela lui gagna tous les cœurs. Il y fit renaître la fidélité, le zèle, le désintéressement, la pudeur, et la honte de mal faire. Après quoi, pour enrichir et orner un si beau fond, vinrent les rits, la musique, les écoles, et les leçons publiques, les exercices de l’arc, les repas solennels à certains temps, les cérémonies du bonnet, des mariages, de devant et après les funérailles ; tout cela fut réglé et s’observa. Cet extérieur frappant les yeux, réveillait et entretenait dans le cœur les sentiments de vertu ; et rien n’était plus charmant que de voir comment chacun se faisait un plaisir de remplir ses devoirs.

Depuis les Tsin et les Han, on a compté presque uniquement sur la contrainte des lois, et sur la rigueur des officiers. On en a fait le fort du gouvernement, sans s’embarrasser beaucoup d’inspirer l’amour du devoir et de la vertu. Aussi depuis mille ans et davantage, l’artifice, l’intérêt, la