Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/779

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dissimule : c’est un homme sans compassion. Sur le champ il le cassa de son emploi, et lui en donna un plus petit.

Une autre fois sous le règne de Te tsong, les fleuves de Kiang et Hoai s’étant débordés, et ayant fait quelque ravage ; Lou tché alors ministre d’État, pria l’empereur d’ordonner qu’on secourût les pays qui avaient souffert. L’empereur ayant lu cette supplique, parut peu disposé à s’y rendre. Si sur ces avis, répondit-il, de quelque dommage qu’a souffert un pays, je me rends facile à faire des largesses, il est à craindre qu’on n’en abuse, et qu’on ne me trompe souvent par de faux rapports. Lou tché ne se rebutant point, fit instance auprès du prince, et lui dit entre autres choses : Prince, ce que Votre Majesté craint est réellement peu à craindre, vu l’état présent des choses. Le vice du temps, c’est la flatterie. Les officiers de vos provinces touchent-ils dans leurs mémoriaux quelques points qu’ils croient vous être agréables ? C’est alors qu’ils exagèrent, et qu’ils ne peuvent finir. Ont-ils à vous donner quelque avis fâcheux ? Ils sont d’ordinaire assez laconiques : ils diminuent plutôt le mal qu’ils ne l’augmentent ; et il n’arrive que trop souvent, que sur des avis si pleins de ménagements, l’on prend ici de fausses mesures. D’ailleurs de quoi s’agit-il ? de quelques dépenses assez médiocres, qui vous attacheront vos sujets. Vaut-il mieux, par un excès de précaution, risquer de les refroidir à votre égard ? Te tsong se rendit à cette instance.

La septième des années nommées Yuen ho, l’empereur Hien tsong s’adressant à ses ministres : Vous ne cessez de me représenter, leur dit-il, que l’année dernière les pays de Tché et de Hoai ont beaucoup souffert, d’abord des grandes crues d’eau, puis d’une longue sècheresse. Un yu sseë, qui en revient, dit que le mal n’a pas été grand. A quoi donc enfin m’en tenir, et quel parti prendre ? Li kiang prenant la parole, répondit au nom de tous :

Prince, nous avons entre les mains tous les avis des magistrats de ces deux contrées. Quand on les lit avec attention, il n’en est point où l’on ne sente que celui qui les donne, tremble pour soi, et craint que la cour ne lui fasse un crime de ce que souffre son peuple. Quelle apparence y a-t-il que des gens ainsi disposés, osent vous chagriner par de faux avis ? Il est plus naturel de croire que ce yu sseë dont Votre Majesté parle, a dit en courtisan flatteur, ce qu’il a jugé pouvoir vous plaire. Je voudrais savoir quel est ce yu sseë, pour le citer en justice, et le faire juger suivant les lois. Vous avez raison, reprit l’empereur ; ce qu’il y a de principal dans un État, ce sont les hommes : dès qu’on est averti qu’ils souffrent, il faut se hâter de les secourir. Les soupçons en ces occasions sont hors de saison. Ce que je vous ai opposé, m’est échappé mal à propos. Aussitôt l’ordre fut donné de secourir les pays qui avaient souffert.

Oui, grand prince, ce que craignaient nos anciens et sages princes, était que quelqu’un de leurs officiers ne leur laissât ignorer les misères des peuples ; que d’autres, pour épargner les finances, ne le soulageassent qu’à demi ; ou que, faute de capacité, il ne le fissent pas à propos. Ce furent