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Discours de Ouan ling contre les mauvais sens donnés mal à propos par des sectaires à l’expression Ming.


Il est dit dans le Lun yu[1], que Confucius employait rarement l’expression Ming. La remarque est judicieuse et vraie ; au contraire quand les barbares occidentaux eurent fait entrer dans notre Chine la secte Foë, on employa aussi fréquemment que confusément ces expressions sing et ming. Il est vrai qu’avant l’entrée de cette secte, on avait commencé à raisonner sur ce qu’on appelle sing[2] nature de l’homme. Mong tse ayant dit qu’elle était bonne, Sian tse soutint le contraire ; et cette opposition servit à éclaircir l’opinion de Mong tse, à laquelle on s’est tenu. Dans des temps plus proches des nôtres, on est revenu à raisonner sur ce qu’on appelle sing, nature. On l’a fait assez au long, et certains méchants esprits, pour se faire de fête, ont embrouillé la matière par les principes de la secte Foë qu’ils ont subtilement, et comme à la dérobée, fait glisser dans leurs discours. Dans ces dissertations sur sing, ce qu’il y a de plus solide, revient à peu près à ce qu’avait dit Mong tse. Les plus sages l’ont suivi, et le suivent encore sur ce point.

Pour ce qui regarde l’expression ming[3], moins nos philosophes l’ont employée, plus les sectaires ont été hardis à s’en servir et à la corrompre. La secte Foë ne cherchant qu’à tromper les hommes, fait dépendre la vie et la mort de ce qu’elle appelle ming, sans l’expliquer. La secte des astrologues enchérissant encore sur la secte Foë, fait dépendre la vie courte ou longue, les richesses ou la pauvreté, l’honneur ou l’humiliation de certaines combinaisons des cinq éléments, de certains mouvements, ou de certaines situations des astres, et de tout cela font ce qu’ils appellent ming, destinée. L’ignorant vulgaire ne trouve pas de quoi les réfuter. Passionné pour les honneurs et les biens du monde, il voit que ces biens et ces honneurs ne suivent pas toujours le mérite et la vertu. Dans l’espérance de les obtenir par une autre voie, ils donnent sottement dans ces erreurs. Ils n’y donneraient pas sans doute, s’ils savaient bien débrouiller les faux sens qu’on donne à l’expression ming.

Chun de simple particulier devint empereur. C’est monter de la plus basse condition au plus haut degré d’honneur. Il semble qu’il y fut porté tout à coup, et sans faire un pas. Cependant la vérité est qu’il s’y éleva

  1. Nom de livre.
  2. Sing, expression aussi étendue pour le moins que le mot français nature, qui y répond assez bien.
  3. Ming. Cette expression signifie ordre, commandement, volonté d’un supérieur. Item, la vie. Tchi ming, donner sa vie pour, etc. Item, par corruption, destin, destinée.