Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/798

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

médiocrement sans beaucoup de travail et d’application. Depuis ces anciens temps jusqu’à nous, il s’est bien passé des siècles, et quand l’ouvrage n’aurait eu que la difficulté de développer aujourd’hui une antiquité si reculée, il est aisé de concevoir qu’il ne m’a pas peu coûté.

Une réflexion m’a encouragé malgré cette difficulté, et m’a fait espérer quelque succès dans mon travail. Ce beau gouvernement de nos deux Ti et de nos trois Vang, me suis-je dit à moi-même, sur quoi était-il fondé ? C’était sur la raison droite et pure. Cette raison où la prenaient-ils ? Ils la trouvaient dans leur propre cœur[1]. Or chacun la peut trouver dans ce même endroit. De là j’ai conclu que pour parler avec quelque justesse de ce beau gouvernement, pour en reconnaître les vrais principes, et pour exposer fidèlement les sentiments et les maximes de ces grands princes, il me suffisait de connaître assez bien le cœur humain ; mettant avec ce secours la main à l’œuvre, j’ai trouvé que sous Yao, Chun, et Yu, la maxime fondamentale se réduisait à ces quatre mots, Tsing, Y, Tche, Tchong[2]. Sous d’autres règnes, la grande leçon et qu’on inculquait souvent était conçue en ces termes : Kien tchong[3], Kien ki[4]. établissez-vous dans le vrai milieu, élevez-vous à ce qu’il y a de plus parfait.

J’ai remarqué que l’observation de ces maximes fondamentales, et des autres qui en dépendent, tantôt s’appelait Te[5], tantôt Gin[6], dans quelques endroits King[7], dans d’autres Tching[8]. Mais je n’ai point eu de peine à voir que sous ces différents termes on entendait une même chose, et que toutes ces expressions représentaient par différents endroits l’excellence du cœur humain quand la raison y règne ; c’est pour marquer d’où vient ce cœur, et lui inspirer du respect, en le rappelant à son origine, que ce même livre emploie si souvent l’expression Tien. On y revient sans cesse à parler des peuples. C’est pour faire sentir au cœur du prince, qu’il leur doit ses soins et sa tendresse. Le cœur du prince est-il droit ? ses premiers soins et comme ses premières productions sont les rits, la musique, et tout ce qui peut contribuer à l’instruction de ses peuples. De ce même fond sortent les lois, les arts, la politesse, qui donnent au reste

  1. L’expression chinoise est sin, et a ici la même signification qu’on a fait remarquer ci-dessus dans une pièce de Tchu hi.
  2. Tsing, pur, excellent, parfait, épurer, perfectionner. Y, un, unique, pur simple. Tche, prendre & tenir ferme ; Tchong, le droit et juste milieu. C’est ici une citation abrégée d’un texte qui a été traduit ci-devant. Si on veut, on peut traduire ces quatre mots chinois par quatre français, purement et simplement, tenez le milieu.
  3. Kien, élever, établir, affermir. Tchong, le juste milieu. Le second kien comme le premier.
  4. Ki, le plus haut degré en chaque genre, mot à mot élevez le milieu, élevez le plus parfait.
  5. Te, vertueux en général.
  6. Gin, bonté, charité, quelquefois vertu en général.
  7. King, respect, attention respectueuse.
  8. Tching, sincérité, droiture, solidité, perfection.