Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/805

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parvenir à la plus haute fortune. Cela devrait animer quiconque a un peu de cœur : au lieu de perdre ses forces et son temps en de vains amusements, chacun devrait s’efforcer de servir l’État, et de mériter par là une place dans l’histoire. Voilà ce qui peut piquer un cœur bien placé.

Une inutile habileté vous fait gagner aux échecs, et vous rend maître de l’échiquier. Quelle comparaison entre ce puéril avantage, et les titres, les terres, et les appointements, dont l’empereur, si vous vouliez, récompenserait vos services ! Lequel vaut mieux, à votre avis, ou de promener sur un échiquier plusieurs méchants morceaux de bois, ou de commander plusieurs mille hommes ? Quel gain pouvez-vous faire aux échecs, comparable à l’honneur et au profit d’une grande charge ? Si tel avait donné à l’étude de nos King le temps qu’il a perdu à ce jeu, il serait aujourd’hui un autre Yen tse[1]. Si tel autre également entêté de ce jeu frivole, au lieu d’y perdre son temps, était entré dans le gouvernement, nous aurions en lui un Leang ping[2]. Enfin, si tel avait autant fatigué dans le commerce, qu’il a fait au jeu, ses richesses égaleraient celles d’Y nu[3]. Du moins s’il avait changé cet amusement en un continuel exercice des armes, il aurait pu par ce moyen là se rendre utile à l’État. Qu’il y a loin de ce qu’ils sont ces joueurs, à ce qu’ils pouvaient être !




DES PRINCES SOUVERAINS.


Yue yuen rapporte que Pin kong, roi de Tsin demanda un jour à Se kuang quelles devaient être les qualités d’un souverain ; et que Se kuang répondit :

Un souverain doit être pur et tranquille, tant au dedans de lui-même, qu’au dehors ; il doit avoir pour ses peuples un amour de père ; faire toutes les diligences possibles, pour ne mettre en place que des gens vertueux et éclairés, et avoir une attention continuelle à ce qui se passe dans l’univers[4] ; il doit éviter de donner trop de liberté aux abus du siècle où il vit, et de se rendre trop dépendant de ses favoris ou de ses ministres. Il fait un rang à part ; il le doit tenir et de là étendre ses vues le plus loin qu’il peut ; surtout examiner avec soin, et peser avec équité les services qu’on lui rend, afin de n’en point laisser sans une récompense proportionnée. Voilà l’idée que je me suis formée d’un prince.


Suen ouang, roi de Tsi demanda un jour à Yun ouen, quelle est la règle la plus essentielle que doive suivre un souverain. Yun ouen répondit : La

  1. Le plus fameux disciple de Confucius pour la vertu.
  2.  Nom d'un ministre d'État estimé.
  3. Le Crésus de la Chine.
  4. Le chinois dit Tien hia, mot à mot, sous le ciel. Les Chinois le plus communément n'entendent que leur empire.