Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/824

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne pourrait jamais réussir dans son dessein. Elle pensa donc aux moyens de les séparer. Elle s’en ouvrit à Eul ou, qu’elle avait eu soin de s’attacher de longue main. Li ki et Eul ou connaissaient Hien kong pour un prince avide de gloire, ambitieux, et entreprenant. Ils conclurent de lui proposer des conquêtes et des établissements à faire pour les princes ses enfants. Eul ou se chargea d’en faire au roi la proposition : et avant que le roi eût pris sur cela sa dernière résolution, la mère d’Eul ou fit courir des chansons, où l’on applaudissait à ces projets, en célébrant par avance les conquêtes des jeunes princes.

Hien kong, dont on flattait la passion, donna dans le piège. Il mit des troupes en campagne, et envoya le prince héritier, comme pour prendre possession des terres qu’il comptait déjà avoir acquises. Li ki dès lors ne douta plus du succès de son projet. Elle conféra avec Yeou chi qui était sa créature, des moyens de perdre Chin seng. Si vous le voulez, dit Yeou chi, une calomnie en fera l’affaire : les choses les plus propres et les plus nettes sont les plus aisées à gâter ; et les personnes les plus innocentes sont les moins habiles à se justifier. Chin seng, dont la réputation a toujours été si nette, ne sera point à l’épreuve d’une calomnie : sûrement il se donnera la mort. Li ki goûta ce conseil ; mais craignant que sur une calomnie qu’on ferait d’abord courir au-dehors, Hien Kong ne fût pas si prompt à prendre feu, elle jugea plus à propos de commencer par calomnier Chin seng immédiatement auprès de son père. Li ki vient donc un soir fondant en larmes, dire avec empressement à Hien Kong, qu’elle a des avis certains que Chin sing trame une révolte ; que les bontés du roi pour elle lui servent de prétexte pour animer son parti ; qu’ainsi elle lui demande en grâce de lui permettre de mourir, ou du moins de se retirer, pour ôter ce prétexte à la rébellion. Hien kong, prince naturellement fier, et que d’ailleurs l’amour aveuglait, bien loin de plier ainsi, résolut sur-le-champ de perdre son fils Chin seng, et en assura Li ki, pour la consoler.

Comme Chin seng dans le fond ne donnait aucune prise, Hien kong exprès pour le faire périr, abandonna ses autres projets, déclara la guerre à Yo, et fit Chin seng général. L’expédition, disait Hien kong à Li ki, est très périlleuse : selon les apparences il y périra, et nous en serons délivrés sans bruit. Si par hasard il venait à bout de vaincre, il sera toujours temps de le punir de sa révolte contre son roi et son père, et je saurai bien le faire. Li ki ravie du succès de ses artifices, en fit part à ses confidents, leur témoignant cependant qu’elle craignait encore deux choses. La première, que le roi ne se ravisât ; la seconde, que Chin seng venant à périr, les Grands ne fissent nommer héritier quelque autre que son fils Y you. Pour parer à ce second inconvénient, on convint qu’il fallait gagner quelque grand officier de guerre. On jeta les yeux sur Li ké homme aussi méchant que hardi. Yeou chi, qui fut chargé de le sonder, lui fit entendre qu’il savait de bonne part que Chin seng était perdu dans l’esprit du roi son père, et qu’il périrait infailliblement de manière ou d’autre ; qu’il était question de voir en ce cas à qui on devait penser pour être prince héritier ;