Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/828

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se glissait à la dérobée, qui s’approchait de la cigale, et comptait déjà la tenir. Il ne voyait pas sur le même arbre assez près de lui un oiseau[1] jaune, qui était prêt de se jeter sur lui. Je le voyais moi cet oiseau, qui tout attentif à la proie, allongeait le col vers elle, sans apercevoir que j’étais en bas et que je le regardais. En considérant tout cela, je disais en moi-même : pauvres animaux ! Vous vous occupez de l’espérance d’une proie qui se présente, et vous la croyez comme sûre ; un danger est encore plus proche, et vous n’y faites pas attention : si vous vous en aperceviez, la proie n’aurait plus pour vous d’attraits, vous partiriez vite, heureux de vous sauver sans elle. J’entends, dit alors le roi : laissons King, et pensons à nous.


Tchuang vang roi de Tsou, entreprit de faire une vaste terrasse à plusieurs étages. Cet ouvrage très inutile demandait bien de la dépense, et l’on fatiguait pour cela et les soldats et le peuple. Les grands officiers du royaume firent sur cette entreprise de fortes représentations au prince, mais ce zèle leur coûta la vie : le prince en fit mourir jusqu’à soixante-douze l’un après l’autre. Tchu yu ki, homme habile, qui s’était retiré à la campagne, apprit ce qui se passait, et en labourant son champ, il s’entretenait avec sa charrue, et disait : Je veux aller voir le roi. Il se répondait ensuite lui-même au nom de la charrue : quoi donc, es-tu las de vivre ? Plusieurs gens de considération et de mérite, qui ont donné des avis au roi, n’y ont gagné qu’une prompte mort : que peux-tu prétendre toi, pauvre villageois ? Il répondait ensuite, et disait : si ces messieurs de la cour s’étaient mis à labourer, ils l’auraient peut-être fait mieux que moi. Si je me mets à donner des avis au roi, peut-être le ferai-je aussi mieux qu’eux. Il laisse donc sa charrue, et va se présenter au roi. Tchuang vang le voyant entrer, dit en lui adressant la parole : sans doute que Tchu yu ki vient aussi me faire une remontrance ? Moi, prince, point du tout, je n’ai garde. Il est bien vrai que je n’ignore pas ce qu’on dit ; que les souverains doivent être cléments et justes. Il est vrai encore qu’on dit communément, que comme une bonne terre reçoit avec profit l’eau dont on l’arrose, et qu’il n’y a qu’un bois bien uni, qui souffre la règle et le compas ; de même les princes sages et vertueux reçoivent avec fruit les remontrances. Il est vrai encore, que tout le monde dit que vous avez entrepris un ouvrage, qui foule beaucoup votre peuple. Mais, qui suis-je moi, pour oser vous venir faire sur cela des remontrances ? Non, encore une fois, je n’ai garde : aussitôt se tournant vers les officiers qui étaient présents, et continuant à parler : tout ignorant que je suis, dit-il, j’ai ouï dire que le roi de Yu perdit ses États, pour n’avoir pas déféré au conseil de Kong tchi ki. Tchin devint la proie de Tsou par la même voie. Song n’aurait pas subjugué Tsao, si celui-ci avait cru Hi fou. Tsi s’empara des États de Liu, parce que Liu négligea les salutaires conseils de Tse mong. Ou se serait soutenu contre Yué, si le prince avait cru Tse si. A quoi attribuer la

  1. Il mange les tang lang.