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DU GOUVERNEMENT


Tse tsan ministre de Tchin étant malade de la maladie dont il mourut, dit à Tai chou : vous me succéderez infailliblement. Je suis bien aise avant ma mort, de vous donner un avis. La douceur et l’indulgence peut quelquefois réussir ; mais c’est quand elle est soutenue d’une vertu éminente et reconnue, sans cela il est plus sûr d’user de quelque sévérité. Le feu est un élément actif et violent : chacun le craint ; et pour cela même il fait périr peu de gens ; au lieu qu’il en périt une infinité dans l’eau, qui paraît céder aisément, et n’avoir rien de si redoutable. Prenez-y garde. Ne gouverner que par la douceur, c’est une chose bien difficile. Au bout de quelques mois, Tse tsan étant mort, on mit en sa place Tai chou : celui-ci n’eut pas d’abord le courage de vaincre son naturel, et d’user de sévérité. Mais bientôt il vit lui-même que sa douceur seule avait tout gâté. Alors se rappelant l’avis de Tse tsan, et reconnaissant sa faute. Mon maître, s’écria-t-il, si j’avais d’abord profité de vos conseils, les choses n’en seraient pas venues là. Mais il y a encore du remède : il changea donc de conduite, et ce changement lui réussit.

En effet, dit sur cela Confucius, un gouvernement de pure bonté rend souvent les peuples insolents : il faut de la rigueur pour les réprimer : la sévérité toute pure les accable et les irrite ; la bonté doit aussi avoir son lieu. C’est le juste tempérament de l’une et de l’autre, qui fait un gouvernement heureux et tranquille. Les deux grands ressorts du gouvernement sont la vertu et la fermeté. Les princes du premier ordre n’emploient guère que le premier. Ils usent peu du second : d’autres moins parfaits usent à peu près également de l’un et de l’autre. Enfin il y a des princes, qui font leur fort de la rigueur, et comptent peu sur la vertu.

Quelque différence qu’il y ait entre ces trois espèces de gouvernement, il est vrai de dire en général, qu’aucun ne réussit sans employer ces deux ressorts. Le premier soutient les peuples dans la pratique du bien. Le second punit leurs fautes, et empêche d’y retomber. Les princes, pour animer à la vertu, outre l’exemple qu’ils en donnent, ont divers moyens de faire connaître à leurs sujets le cas qu’ils en font. De là naissent les récompenses, dont il y a bien des espèces. De même ils ont différentes manières de témoigner de l’horreur du vice. De là naissent les châtiments. Rien de plus important pour un État, que ce sage tempérament de châtiments et de récompenses. Les fautes du prince en ce genre ont ordinairement de grandes suites. Le Chu king dit : Je l’ai souvent ouï répéter, que ces deux points importants doivent entièrement occuper un souverain.

Avez-vous vu toucher le nu kin[1] ? Faites-vous attention, que si l’on

  1. Nom d'un instrument de musique.