Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/841

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eunuques, qui sont toujours près de sa personne dans l’intérieur du palais. Sa confiance est en ses eunuques : ils en savent profiter pour s’accréditer ; et bientôt les officiers du dehors ne sont considérés, qu’autant que les eunuques le veulent. Dès lors les gens de mérite ou se retirent, ou se refroidissent ; et le pauvre prince demeure seul, abandonné à ses eunuques, auxquels il s’est lui-même livré. Ces malheureux l’intimident à chaque moment et se rendant nécessaires, ils établissent de plus en plus leur autorité, ou plutôt leur tyrannie.

Que si le prince ouvre enfin les yeux, et cherche à s’appuyer des officiers du dehors, ceux-ci ne savent alors comment s’y prendre. Temporiser, et user de ménagements, c’est laisser croître le mal ; vouloir y remédier promptement et avec vigueur, c’est tout risquer, ou même tout perdre, le prince étant lui-même comme en otage. Quand les choses en sont venues là, les gens les plus éclairés trouvent leurs lumières bien courtes : il ne leur vient aucune vue qui ne leur paraisse dangereuse, et, pour ainsi dire, impraticable ; si à tout hasard ils tentent quelque entreprise, communément ils échouent, et perdent avec eux le prince et l’État. Le moins qui puisse arriver c’est qu’ils périssent, et donnent lieu par leur mort, à quelque ambitieux de profiter de ces conjonctures, pour former le dessein de se rendre le maître, d’envelopper le souverain dans la cause des eunuques, et de se gagner le cœur des peuples, en exterminant ces canailles. La passion pour les femmes dans un prince est très dangereuse. S’il ne s’en guérit elle le perd et trouble l’État. Mais si le prince se reconnaît, le mal n’est pas sans remède. Au contraire, si par une confiance outrée, il s’est imprudemment livré à ses eunuques, en vain voudrait-il en revenir : il ne le peut plus sans se perdre. L’histoire des Tang le fait bien voir. C’est pour cela que j’ai dit d’abord, que les eunuques accrédités sont encore plus à craindre que les femmes. Peut-on être trop sur ses gardes ?


Tang king tchuen rapporte encore cinq ou six autres discours sur ce sujet : mais ils disent à peu près la même chose. La conclusion d’un de ces discours est, que les eunuques sont nécessaires dans le palais ; que dès les premiers temps il y en a eu ; qu’on ne peut s’en passer ; mais qu’il faut leur tenir la bride courte, punir exactement leurs fautes, donner inspection sur leur conduite à quelque officier de poids, surtout ne leur donner aucune part dans le gouvernement de l’État, bien moins les mettre dans les emplois : c’est ce que l’empereur qui règne aujourd’hui observe exactement.





Discours de Sou tché qui vivait sous la dynastie Song.


Savoir redresser le prince, sans que la paix de l’État en souffre, c’est le chef d’œuvre d’un zèle sage. Il est des temps malheureux, où le prince sans lumières s’attache à des gens sans vertu, et les fait dépositaires