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DISCOURS DE SOU TCHE.


Quand il s’agit d’obliger quelqu’un, ou de recevoir un bienfait, le sage considère en même temps plus d’une chose. Dans le premier cas il ne se contente pas de dire : je puis rendre service à un tel, et je le veux. Il examine si la chose lui convient : et s’il voit que non, il s’arrête contre son inclination, et sans avoir égard à l’honneur qui lui en pourrait revenir. Je puis procurer tel emploi à un tel, dit un homme sage : ce tel en est très capable, faisons-le donc. Je puis faire telle et telle chose pour un tel mais ce tel ferait mal d’y consentir : n’y pensons plus. S’agit-il de recevoir, le sage en use aussi de même. Tel avantage me vient, dit-il : je ne m’en crois pas tout à fait indigne. De ma part, je ne vois rien qui doive m’empêcher de l’accepter : mais je vois d’ailleurs clairement que celui qui me le procure, fait mal de me le procurer. Je le refuse. En user d’une autre manière, c’est coopérer en quelque sorte aux fautes d’autrui : du moins c’est se soucier peu que les autres fassent mal : vouloir, pour ainsi dire, être seul sage, dès lors c’est cesser de l’être en effet. Il est aisé par ces maximes de décider lequel des deux fit le mieux, et fut le plus sage de Lieou ki, ou de Tsing hong. Du temps que les empereurs de la dynastie Han tenaient leur cour à l’Orient, Lieou ki prince tributaire céda son État à son cadet Lieou king. La cession en fut publiée, acceptée, et ratifiée : Lieou ki persista toujours dans son dessein, malgré ce qui lui fut représenté sur le peu de capacité qu’avait son frère Lieou king.

Ting hong autre prince du même rang, forma aussi le dessein de faire une abdication semblable : et afin qu’elle se fit sans obstacles, il contrefit le fol. Mais Pao sing un de ses intimes amis, s’aperçut d’abord que sa folie n’était que feinte. Il fit à son ami des remontrances si raisonnables contre le projet de son abdication, que Ting hong, qui d’abord avait cru faire une belle action, conçut qu’au contraire il ferait très mal. Sur cela il reparut tel qu’il avait toujours été et ne parla plus d’abdiquer. Sa promptitude et son courage à reculer sont très louables, et sont de plus une preuve qu’auparavant il n’agissait point par vanité ; mais que réellement il croyait bien faire. C’est ainsi que raisonne Fan, lettré de réputation, qui conclut de là en faveur de Ting hong, et le préfère à Lieou ki.

Il s’objecte Tai pé et Pe y, qui sous la dynastie Tcheou cédèrent leurs États à leurs cadets, et se rendirent célèbres par cette abdication. Il répond que Tai pé et Pe y ayant donné les premiers ce bel exemple, il n’est pas surprenant qu’on en ait été frappé dans le temps ; que Tay pé et Pe y étant d’ailleurs très connus, on ne peut attribuer qu’à leur vertu la cession qu’ils firent ; mais qu’on a vu depuis des gens sans vertu, par une sotte ambition de devenir fameux, comme ces deux grands hommes, prendre mal à propos